Inclure les femmes dans le secteur du numérique

Inclure les femmes dans le secteur du numérique

Inclure les femmes dans le secteur du numérique

  Les débuts de l’informatique sont marqués par une forte présence des femmes dans le secteur. En effet, jusque dans les années 70, les femmes restent majoritaires dans le domaine, notamment dans celui de la programmation[1]. Pourtant aujourd’hui, dans les pays de l’Union Européenne, où 57% de l’ensemble des diplômé·es de l’enseignement supérieur sont des femmes, seules 25% d’entre elles ont obtenu un diplôme dans les filières du numérique et seules 13% de ces diplômées travaillent dans le secteur du numérique[2], alors même que ces métiers sont ceux qui seront majoritaires demain, tant dans l’emploi que l’entrepreneuriat, et que les nouvelles technologies représentent un vecteur essentiel dans la promotion et la construction de l’égalité femme/homme. 

L’auteure 

Jeanne-Marie Riou

Jeanne-Marie est chargée d’études au sein de l’IMPACT TANK dans le cadre de son stage de fin d’études. Après un Master « Métiers du politique et Action publique territoriale » suivi à l’Université Paris-Saclay et à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye, Jeanne-Marie a rejoint l’IMPACT TANK pour travailler sur les enjeux liés à l’inclusion numérique, à l’accueil et à l’intégration des personnes réfugiées en France, et à la question des données en protection de l’enfance.

L’inclusion des femmes par le numérique : de quoi parle-t-on ? 

 

Un rapport de l’ONU Femmes paru en 2005 et intitulé Egalité des sexes et autonomisation des femmes par les Technologies de l’Information et des Communications démontrait déjà qu’outre les inégalités numériques principalement appréhendées (de classes, générationnelles…), « une ‘fracture entre les sexes’ a également été observée, et elle se traduit par une plus faible proportion de femmes qui ont accès et qui utilisent les TIC par rapport aux hommes. […], les TIC risquent d’exacerber les inégalités existantes entre les femmes et les hommes et créer de nouvelles formes d’inégalité ».  

En effet, alors que le numérique est un véritable outil d’émancipation et d’innovation, les femmes ne bénéficient pas des avantages dont elles pourraient en tirer. Elles font encore face à des logiques discriminatoires et stéréotypées, et à des biais sociaux et culturels qui limitent leurs opportunités. 

Aujourd’hui, et ce malgré les différentes alertes lancées au fil des années, nous pouvons observer que cette « fracture entre les sexes » est toujours d’actualité. En 2018, l’OCDE a publié plusieurs statistiques relatives aux inégalités de genre dans le secteur des TIC. A titre d’exemple, cette même année, à l’âge de 15 ans, seules 0,5% des filles des pays de l’OCDE souhaitaient devenir des professionnelles des TIC, contre 5% des garçons, et deux fois plus de garçons que de filles espéraient devenir ingénieurs, scientifiques ou architectes.  

Au niveau des pays européens notamment, alors même que plusieurs avancées en termes d’égalité des genres sont à noter, nous pouvons remarquer une inégale intégration des hommes et des femmes dans les domaines du numérique et de l’informatique. Le rapport I’d blush if I could. Closing gender divides in digital skills through education, publié par l’UNESCO en 2019, démontre que les femmes développent moins de compétences numériques que les hommes, notamment du fait de leur sous-représentation au sein des diplômé.es du secteur des nouvelles technologies. En effet, en 2020, un rapport de la commission des droits des femmes et de l’égalité des genres du Parlement européen intitulé « Résorber le fossé numérique entre les femmes et les hommes : la participation des femmes à l’économie numérique » notait que les femmes ne représentent que 17% de l’ensemble des étudiant·es dans le secteur des Technologies de l’Information et des Communications (TIC) 

Ces disparités en termes d’intégration peuvent s’expliquer en partie par le fait que les outils numériques peuvent intégrer, renouveler et perpétuer certains stéréotypes sexistes, puisqu’étant conçus par des équipes en grande majorité masculine (UNESCO ; 2019). Un rapport de l’OCDE souligne qu’entre 2012 et 2017, dans le domaine de la programmation, 77% des équipes étaient uniquement composées d’hommes[3]. Ces stéréotypes sexistes s’illustrent notamment dans le cas de l’intelligence artificielle : « Les modèles dominants d’assistants vocaux cristallisent les conceptions de ce qui est considéré comme « normal » ou « anormal » » (UNESCO ; 2019). 

Il est aussi important de noter que les femmes subissent un cumul de difficultés qui entravent leur accès aux métiers du numérique. Plus touchées par les inégalités d’ordre économique et social (difficultés de revenus, situations de monoparentalité, principales bénéficiaires du RSA…), elles ne disposent pas toujours des ressources nécessaires à un accès et un usage du numérique optimal, sont plus concernées par des situations d’illectronisme et il est alors encore plus complexe pour elles de se saisir et d’exploiter pleinement les opportunités du numérique, celui-ci étant « un aspect d’un système plus large de discrimination et de désavantages qui limitent le potentiel des femmes et des filles à participer à la société » comme le souligne Paola Cervo, coordinatrice du projet Digital for Development (D4D) Hub Union africaine – Union Européenne. Elle poursuit en expliquant que « tenir compte de l’intersectionnalité entre le genre et d’autres formes de discrimination est essentiel pour s’atteler efficacement à combler le fossé numérique »[4].

  

 Un secteur numérique plus inclusif : quels leviers d’action ?

 

Il est aujourd’hui nécessaire de prendre en compte la question numérique dans la lutte contre les inégalités de genre. Cela permettrait non seulement de résorber les disparités existantes en termes d’accès et d’usage, mais également d’intervenir en faveur de l’émancipation des femmes. Il y a urgence à agir, à tous les niveaux et dans toutes les organisations, pour impulser une véritable politique de mixité dans le secteur et assurer une meilleure parité numérique. Pour se faire, nous pouvons dégager quatre axes prioritaires.

1. Renforcer la sensibilisation pour lutter contre les stéréotypes 

La sensibilisation des jeunes, et notamment des jeunes filles dès le primaire, apparaît comme un enjeu phare pour assurer un véritable numérique inclusif. Par une information complète et dispensée par des professionnel·les formé·es sur le sens et les opportunités d’emploi dans le secteur, il sera possible de mieux lutter contre les clichés et les biais cognitifs. En effet, les stéréotypes sexistes influencent largement le choix des matières et des parcours et « déterminent que moins de 3% des adolescentes européennes manifestent un intérêt pour travailler dans le domaine des TIC »[5]. Ainsi, le milieu éducatif a tout son rôle à jouer dans cette diversification du secteur du numérique.  

Cet enjeu va de pair avec celui de la représentativité et de l’importance de présenter aux jeunes les femmes pionnières du numérique, celles qui le portent aujourd’hui, leurs parcours et de visibiliser leurs réalisations dans le domaine des TIC. Les femmes ne sont pas qu’utilisatrices et consommatrices, elles sont également développeuses et créatrices. 

Le projet « Parallaxe 2050 », lancé en 2019 et porté par le Campus des Métiers et des Qualifications du Numérique et par l’Académie de Grenoble, représente en ce sens un outil d’expérimentation innovant. Pensé pour les collégien·nes et les lycéen·nes, l’objectif de cet escape game est de découvrir les métiers des TIC, de se renseigner sur son orientation et de comprendre pourquoi les femmes sont sous-représentées dans le secteur du numérique. « Le scénario ? Venir en soutien de jeunes analystes développeuses, techniciennes ou ingénieures afin de rétablir le nouvel internet […], et éviter un monde injuste, inégalitaire et patriarcal. En incarnant des héroïnes et héros de ces futur, les jeunes toucheront du doigt plusieurs compétences numériques et devront réussir les épreuves en un minimum de temps » explique Xavier Cheney, directeur opérationnel de « Parallaxe 2050 ».  

2. Faire de la formation des femmes une priorité

Le numérique est un secteur d’activité en tension. D’ici à 2027, plus de 232 000 recrutements seraient prévus dans la filière[6]. Il s’agit ici de véritables opportunités, dans un domaine qui peine à recruter des profils compétents, pour les femmes et pour le développement économique des structures de la Tech. En effet, « en Île-de-France par exemple, la part la plus importante des femmes dans le secteur du numérique a soutenu le dynamisme économique de la région depuis 10 ans »[7] 

Cette pénurie de profils compétents relève d’un manque de formation des femmes qui, d’une part, du fait des stéréotypes adossés à ce secteur, ne se représentent pas comme compétentes pour effectuer ces types de métiers, et d’autre part, qui ne vont pas se voir naturellement proposer ces types de postes par des prescripteurs de Pôle emploi, des missions locales… qui privilégient plutôt des profils masculins. Ainsi, les femmes se tournent moins vers les diplômes des TIC et ne développent pas suffisamment de compétences en matière de numérique.  

Pour ramener les femmes vers les formations numériques et garantir le développement de leurs compétences en la matière, il s’agit d’abord de travailler sur l’environnement des universités et des écoles du secteur des TIC. Plusieurs besoins s’expriment à ce niveau : former les acteurs et actrices pédagogiques à l’intérêt de l’inclusion et de la diversité dans les filières scientifiques et informatiques, lutter contre les comportements sexistes fortement présents au sein de ces formations[8], imposer des objectifs de quotas féminins…  

Ces premières dispositions doivent aussi être accompagnées de mesures attractives pour, dans un premier temps, attirer les femmes vers ces formations, puis, dans un second temps, éviter une fuite de cerveaux des diplômées des TIC vers des pays qui favorisent la féminisation du secteur. A titre d’exemple, alors que le reste de l’Union européenne enregistre une hausse de 16% des femmes travaillant dans les secteurs de haute technologie, la France n’enregistre qu’une hausse de 5% sur la période 2011-2019, preuve d’une lente intégration des profils féminins dans le domaine de la Tech[9] 

Enfin, il est également nécessaire de réfléchir à des programmes adaptés aux femmes selon la génération dont elles sont issues afin de les sécuriser dans leur apprentissage et de permettre aussi de faciliter la reconversion de certaines d’entre elles. 

Pour pallier ces difficultés, différentes initiatives existent. Simplon.co, entreprise sociale et solidaire, s’est donné pour objectif d’utiliser le numérique comme un levier d’inclusion et un révélateur de talents afin d’accompagner la transformation numérique des organisations. Le programme #Hackeuses, porté par l’entreprise, délivre des formations gratuites, dont la certification est reconnue par l’Etat, à destination des femmes afin de leur enseigner la culture et les techniques du numérique et de les amener vers les réseaux et métiers du secteur. Le programme cible prioritairement les femmes venant des Quartiers prioritaires de la Politique de la Ville (QPV), les femmes sans emploi et/ou sans formation, les femmes en reconversion professionnelle et les femmes étrangères (hors UE)[10] 

3. Assurer la diversité des profils en entreprise

Si Internet portait l’espoir, à ses débuts, de plus d’égalité et de progrès sociétal, cette vision a peu à peu été remise en question par les disparités qui ont progressivement émergé. Pour remédier à cette dynamique, il s’agit d’impliquer l’ensemble des acteurs et actrices en capacité d’influer sur celle-ci, et notamment les entreprises.  

La question de la représentativité s’impose à nouveau sur ce point. Pour promouvoir l’inclusion en entreprise, il est nécessaire de soutenir la mixité aux postes de direction du numérique. Selon l’étude réalisée par l’organisation AnitaB.org en 2019, seulement 18,5% des responsables dans le numérique sont des femmes[11]. Pour promouvoir leur accès à des postes à responsabilités, plusieurs solutions sont envisageables : imposer des quotas féminins, comme nous l’avons évoqué pour les universités, faire de la parité un objectif business et une obligation légale, mesurer l’impact positif de l’inclusion des femmes dans le secteur de la Tech… Il s’agit également de leur permettre de renforcer leurs compétences au sein même de l’entreprise, en les poussant à effectuer des formations sur des thématiques plus spécifiques ou moins féminisées par exemple.  

L’association Diversidays, spécialisée dans l’égalité des chances, s’attelle à accélérer la diversité dans les métiers et entreprises du numérique afin de faire émerger des talents sous-représentés ou discriminés et donc notamment les profils féminins. Convaincue que la diversité des profils est un important levier de performance des entreprises, l’association a développé plusieurs programmes et outils qui agissent en faveur d’une meilleure représentation des femmes dans la Tech. A titre d’exemple, le programme « TechYourPlace » entend rendre les startups plus inclusives dans leurs modes de management et de recrutement.  

4. Renforcer les aides dédiées à la création d’entreprise dans le secteur de la Tech pour pousser les femmes à développer leurs projets

En 2018, seules 10% des entreprises innovantes ont été fondées par des femmes. A noter que ces mêmes entreprises reçoivent 23% de financements de moins que celles créées par des hommes, mais ont ont 30% de chances de moins de se faire racheter ou d’entrer en bourse[12]. De la même manière, seuls 10% des brevets sont inventés par des femmes et, au rythme actuel, cet écart entre les femmes et les hommes ne sera résorbé qu’en 2080[13] 

Ces facteurs prouvent qu’il est essentiel de soutenir les femmes dans l’entreprenariat à l’heure où le secteur numérique est l’un des moteurs de l’économie. Par ailleurs, la Commission Européenne plaidait, dès 2013, pour une meilleure intégration des femmes dans le numérique car, si elles occupaient autant d’emplois que les hommes dans le secteur, le PIB européen pourrait bénéficier d’un gain d’environ 9 milliards d’euros par an[14]. 

Il s’agit dans un premier temps de changer de regard quant à la place des femmes dans la Tech. Les stéréotypes sexistes ont mené les femmes à ne pas se sentir compétentes dans ce secteur, alors même qu’elles pourraient bénéficier des mêmes formations que les hommes et développer les mêmes capacités si des programmes d’accompagnement leur étaient dédiés (leadership, formation aux outils numériques, soft skills…). La question financière est aussi un enjeu phare. Il est nécessaire de prévoir des enveloppes de financement spécifiques pour soutenir les projets numériques portés par des femmes, ainsi que de faciliter leur accès au crédit, les startups fondées par des femmes ayant en moyenne 30% de moins de chance que celles fondées par des hommes de lever des fonds[15] 

Le collectif SISTA lutte contre ces inégalités dans le financement entre les entrepreneur.es. La structure présente trois objectifs principaux : « booster » les femmes entrepreneures, accélérer le financement des entrepreneures et diversifier les équipes d’investissement. Le programme « SISTA EntrepreneurEs » entend par exemple créer un écosystème de femmes fondatrices dans le secteur de la Tech afin de les accompagner, de donner de la visibilité à leur projet, de diffuser des bonnes pratiques et de pouvoir leur faire bénéficier d’expert·es pour les aider à poursuivre leur expérience entrepreneuriale. Le collectif travaille également à la collecte et la publication de données genrées dans le secteur pour informer sur les inégalités de financement et permettre la création de solutions techniques innovantes.  

 

Pour garantir un numérique diversifié et inclusif, ces quelques axes prioritaires doivent s’accompagner d’une prise de conscience publique et politique. Les pouvoirs publics doivent se mobiliser pour soutenir l’intégration des femmes dans le secteur du numérique et prendre les mesures adéquates afin de réduire un peu plus les inégalités de genre. 

L’inclusion numérique des femmes : un enjeu public

 

Les pouvoirs publics disposent d’une responsabilité particulière dans le renforcement de l’intégration des femmes dans la Tech. Les inégalités de genre dans le secteur du numérique impactent différents champs de compétences publiques et concernent plusieurs ministères (économie et souveraineté numérique, éducation nationale, enseignement supérieur, solidarités…). La mixité dans le numérique doit alors devenir une priorité majeure et transversale des politiques publiques 

Depuis quelques années, nous pouvons observer plusieurs avancées sur la question. Par exemple, dès 2017, l’Education nationale a élaboré un Plan d’évolution de l’éducation nationale vers l’éducation aux TIC, à l’informatique et notamment aux méthodologies de codage. Ce Plan prévoyait aussi la sensibilisation des acteurs et actrices pédagogiques aux biais qu’ils et elles peuvent rencontrer dans le cadre de leur enseignement afin de lutter contre les stéréotypes et de promouvoir la place des femmes dans le secteur du numérique. Pour compléter ce premier programme, le ministère de l’Education nationale a également lancé un plan « mixité » en 2021 pour travailler sur l’orientation des élèves et atteindre au moins 30% de filles dans certains enseignements de spécialité au lycée et au moins 30% de garçons dans d’autres. « Pour les filles, cela concerne donc tout particulièrement les spécialités ‘Numérique et sciences informatiques’ et ‘Sciences de l’ingénieur’ (alors que pour les garçons, ce sont les spécialités littéraires, artistiques et de langues) »[16] 

Concernant l’inclusion économique et la démocratisation de l’entreprenariat pour toutes et tous, la Direction interministérielle du numérique (Dinum) a lancé son programme des « Entrepreneurs d’intérêt général » (sic) avec pour objectif de faire en sorte qu’en 2022, les femmes représentent 50% des « profils atypiques » recrutés par cette même Direction[17], quand les femmes ne sont aujourd’hui présentes qu’à 30% dans les métiers du numérique, dans le secteur public comme privé. La Dinum a également intégré, pour la première fois, un indicateur de performance relatif à la part des femmes recrutées dans le cadre de leur programme « Innovations et transformations numériques ». Il est précisé qu’une partie du budget dédié à ce programme est consacrée à « développer des méthodes de recrutements innovantes pour résoudre des défis publics »[18] 

Enfin, les collectivités territoriales ont également un rôle à jouer dans l’inclusion des femmes dans le secteur de la Tech. Les opportunités sont nombreuses et les territoires, s’ils parviennent à agir pour remédier à la fracture numérique, pourraient pleinement s’en saisir. Les régions par exemple, notamment par leur compétence en termes de développement économique, disposent de moyens importants pour mettre en œuvre des dispositifs d’action publique locale adaptés et bénéficient d’un réseau partenarial local qui pourrait permettre de pousser à la concertation et la coopération des différents acteurs et actrices autour d’initiatives d’orientation, de formation et d’insertion pour l’inclusion des femmes dans le numérique[19] 

Autres initiatives

 

L’association SOCIAL BUILDER a pour ambition de permettre aux femmes de concrétiser leurs parcours professionnels dans le numérique, par l’emploi comme l’entrepreneuriat, via des actions d’orientation, de formation et d’insertion professionnelle. Labellisée Grande Ecole du Numérique et lauréate La France s’engage, l’association a formé et accompagné plus de 35 000 femmes en France depuis 2011 et rassemble une communauté de 55 000 femmes. Social Builder s’appuie notamment sur les objectifs 5 (égalité entre les sexes), 8 (travail décent et croissance économique) et 10 (inégalités réduites) des Objectifs de Développement Durable définis par l’ONU pour mettre en œuvre son action.  

DESCODEUSES est une association qui entend développer le pouvoir d’agir des femmes des quartiers prioritaires en les outillant, en les formant et en les accompagnant vers les métiers valorisés du numérique. DesCodeuses propose une formation de six mois gratuits et répondant aux besoins d’inclusion et de sortie de la précarité des femmes des quartiers prioritaires afin de lutter à la fois contre les inégalités de genre et les inégalités territoriales. L’association fonctionne par promotions, qui font chacune l’objet d’une mesure d’impact.  

WEBFORCE3 est un réseau de 50 écoles des métiers du numérique, agréé solidaire d’utilité sociale et présent en France comme à l’international (Belgique, Luxembourg, Maroc). Par des programmes pédagogiques et professionnalisant, WebForce3 souhaite ouvrir les formations aux publics éloignés de l’emploi et sous-représentés dans la Tech pour plus d’inclusion et de diversité en entreprise et afin de participer à une société numérique inclusive, éthique et durable. Des formations réservées exclusivement aux femmes sont régulièrement proposées par WebForce3, qui s’inscrit dans la lutte contre les inégalités de genre et pour la parité dans le secteur du numérique. 

FEMMES@NUMERIQUE est une fondation créée sous l’égide de la Fondation de France en 2018 et une association depuis 2021. Femmes@Numérique entend rassembler les acteurs et les actrices engagé·es dans l’inclusion indispensable des femmes dans le secteur du numérique. Soutenu par le gouvernement, le collectif assure, par son association, le suivi et la promotion des projets lauréats des appels à projets lancés par la fondation. Son objectif est d’accélérer la féminisation des métiers et filières du numérique par le passage à l’échelle de projets associatifs qui ont déjà fait leurs preuves dans la lutte contre les stéréotypes et pour les carrières féminines dans le secteur et par des actions de sensibilisation auprès du grand public, d’organisations publiques et privées, des entreprises et des acteurs de la formation et de l’enseignement.  

BECOMTECH est une association nationale qui œuvre à la mixité dans l’informatique et le numérique et qui cible les filles et les femmes de 14 à 25 ans. Inscrite dans une démarche de sensibilisation à l’égalité femme-homme dans le numérique, en milieu scolaire et dans les structures jeunes, l’association repose sur deux programmes : « Jump in tech », qui permet d’initier gratuitement aux métiers techniques de l’informatique des filles en classe de troisième et de seconde pour leur permettre d’élargir leurs choix professionnels et d’orientations, et « Ambassadrices », qui vise à approfondir les compétences des jeunes filles afin de leur permettre de continuer à se former et à se professionnaliser dans le secteur du numérique. 

En conclusion

En conclusion, il est aujourd’hui nécessaire d’adopter des mesures fortes pour pallier le gender gap persistant dans le secteur du numérique et des nouvelles technologies. Pour y remédier, il s’agirait, entre autres, d’encourager les démarches de création de référentiels et d’indicateurs communs autour de la mesure d’impact dans ce domaine afin d’identifier et de diffuser les initiatives prometteuses et innovantes allant dans le sens de l’égalité femme/homme et de les porter auprès des décideurs publics. Dans le même temps, il s’agirait de mettre l’accent sur l’importance d’analyser de manière croisée les résultats en termes d’impact de ces initiatives privées et publiques en faveur des femmes dans les métiers techniques du numérique et les leviers générateurs de cet impact, pour aider à structurellement changer le secteur et les pratiques.  

L’inclusion des femmes dans le secteur des TIC touche à de nombreux domaines d’action publique. Assurer une véritable politique numérique égalitaire participerait non seulement à réduire les inégalités présentes dans ces autres champs d’action mais également à soutenir l’émancipation des femmes afin de leur permettre de s’inscrire pleinement dans la vie publique et politique de nos sociétés.  

[1] Voir Chiffres clés sur les femmes et la tech (grandeecolenumerique.fr)

[2] Ibid.

[3] OCDE. More needs to be done to bridge the digital gender divide, octobre 2018.

[4, 5] Voir L’égalité numérique entre femmes et hommes, un élément décisif de la transformation numérique – d4dhubdev

[6, 7] Voir Favoriser l’insertion des femmes dans la tech, un enjeu clé du développement territorial en France (latribune.fr)

[8] Lebugle, Amandine, Justine Dupuis et al. Les violences subies dans le cadre des études universitaires : principaux résultats des enquêtes Violences et rapports de genre (Virage) réalisées auprès d’étudiant·es de 4 universités françaises, Ined, 2018.

[9] Voir https://www.genderscan.org/Docs/Gender_Scan_Synthese_2022_France.pdf

[10] Voir Hackeuses – Culture et techniques du numérique – Sessions ouvertes – Simplon.co – Fabriques labellisées Grande Ecole du Numérique – In Code We Trust #frenchtech #ess #empowerment

[11] Voir Chiffres clés sur les femmes et la tech (grandeecolenumerique.fr)

[12, 13] OCDE. More needs to be done to bridge the digital gender divide, octobre 2018.

[14] Voir Press corner | European Commission (europa.eu)

[15] Voir Chiffres clés sur les femmes et la tech (grandeecolenumerique.fr)

[16, 17, 18] Voir La féminisation du numérique de l’État passe par les “profils atypiques” | À la une | Acteurs Publics

[19] Voir Favoriser l’insertion des femmes dans la tech, un enjeu clé du développement territorial en France (latribune.fr)

Les avis exprimés dans les notes d’analyses n’engagent que leurs auteurs et ne sauraient être considérés comme constituant une prise de position officielle de l’IMPACT TANK.

Ressources pour aller plus loin

  • La Mêlée, Femmes et numérique : Etat d’urgence. 25 propositions pour les territoires et les entreprises, mars et avril 2021.
  • Lebugle, Amandine, Justine Dupuis et al. Les violences subies dans le cadre des études universitaires : principaux résultats des enquêtes Violences et rapports de genre (Virage) réalisées auprès d’étudiant·es de 4 universités françaises, Ined, 2018. 

  • AnitaB.org, Capital one case study. Closing the diversity gap, 2019.  

      

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L’investissement social : pour une preuve économique des politiques sociales

L’investissement social : pour une preuve économique des politiques sociales

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L’investissement social : pour une preuve économique des politiques sociales

Cette note d’analyse s’appuie sur le Rapport Combien nous coûte le « vivre-séparé » ? Combien rapporte le « vivre ensemble » ?[1] réalisé par Raphaël Lorenzo, Iuliana Mardar, Mathilde Mousson et Adèle Rivet, étudiants à Sciences Po Paris, et encadré par Nathalie Gatellier et Tarik Ghezali, respectivement bénévole et fondateur de La Fabrique du Nous, en collaboration avec l’IMPACT TANK et l’Observatoire national de l’action sociale (ODAS).

Elle précise dans quel contexte politique et macroéconomique ce type d’approche du lien social apparaît, et quels en sont les défis actuels et à venir.

Les auteures 

Jeanne-Marie Riou

Jeanne-Marie est chargée d’études au sein de l’IMPACT TANK dans le cadre de son stage de fin d’études. Après un Master « Métiers du politique et Action publique territoriale » suivi à l’Université Paris-Saclay et à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye, Jeanne-Marie a rejoint l’IMPACT TANK pour travailler sur les enjeux liés à l’inclusion numérique, à l’accueil et à l’intégration des personnes réfugiées en France, et à la question des données en protection de l’enfance. 

Mélissa Aksil

Mélissa Aksil est chargée d’études au sein de l’IMPACT TANK. Diplômée de Sciences Po Lille et de l’Université de Lille, Mélissa est une chercheuse pluridisciplinaire (économie, sociologie, sciences politiques). Son ambition est que le monde de la recherche puisse côtoyer plus souvent et naturellement le terrain, pour penser ensemble les solutions menant vers une économie à impact positif. Au sein de l’IMPACT TANK, Mélissa coordonne les groupes de travail (savoirs expérientiels, bien-être territorial), la rédaction des notes d’analyse et notes croisées, et participe à la réalisation du Panorama annuel de l’évaluation d’impact social avec l’ESSEC.

  Introduction

 

La crise économique, sociale et sanitaire liée à la Covid-19 nous a rappelé à quel point il est nécessaire pour les pays de posséder un système de protection sociale solide, au cœur de tout projet de société. Si les Etats-Providence d’après-guerre, en Europe et en France en particulier, ont eu un rôle important dans la redistribution des richesses et la construction d’un bien-être social, force est de constater que de nombreuses problématiques sociales persistent de nos jours. Certains services publics ne réussissent pas ou plus à satisfaire entièrement les besoins sociaux de la population, qui découlent de mutations démographiques et sociales nouvelles. Il est alors nécessaire de repenser l’Etat-Providence, qui voit par ailleurs sa légitimité fortement questionnée depuis la recherche d’équilibre budgétaire et la hausse des dépenses publiques depuis les années 1970. Ces différentes raisons ont amené économistes, sociologues et politistes à analyser Why we need a new welfare state[2]. Une des solutions envisagées est d’aller « Vers un État d’investissement social »[3].

La notion d’investissement social interroge ainsi l’approche classique et curative de la protection sociale en partant du principe que les politiques sociales doivent être pensées sur le long terme et que la société en tirera un bénéfice social, économique et financier. Les politiques sociales ne sont ainsi plus des charges qui pèseraient sur une croissance économique, mais bien une condition nécessaire à part entière de cette dernière.

Focus sur une approche prometteuse appelant à la « preuve économique du lien social » et dont la mesure d’impact peut en être un outil ambitieux. Les politiques sociales ne sont ainsi plus des charges qui pèseraient sur une croissance économique, mais bien une condition nécessaire à part entière de cette dernière.

 L’investissement social : origines et grands principes

 

Le concept d’investissement social émerge dans les années 30 au sein des courants sociaux-démocrates suédois, porté par les travaux des économistes Alva et Gunnar Myrdal, qui théorisent la politique sociale comme permettant de concilier croissance économique, bien-être et équité sociale[4]. Un tel « modèle social productif » (Morel, 2013) s’inscrit dans la logique même des régimes sociaux-démocrates (selon la typologie d’Esping-Andersen[5]) qui, face aux paradigmes libéraux, ont mis au cœur de leur système de production la volonté d’un développement moins industrialiste, plus participatif et plus égalitaire centré autour d’un niveau de redistribution élevé.

La notion d’investissement social est politiquement mise à mal à partir des années 70, marquées en France par un discours libéral dominant justifiant des politiques dites d’austérité. Ce discours porte l’idée que les politiques sociales nuisent à la compétitivité économique, dans une période de « montée des risques et de l’incertitude » (Beck, 1986) liés au travail (chômage de masse), aux transformations de la famille (divorce), aux mutations des relations sociales (nouvelles aspirations à l’émancipation, notamment des femmes et des minorités) et aux grands défis écologiques, environnementaux et climatiques.

Face à ces enjeux, toujours d’actualité, a également émergé la volonté de collectifs (d’experts, d’intellectuels, de mouvements sociaux…) de « rebattre les cartes pour jeter les bases d’un “nouvel imaginaire” social et démocratique »[6], qui « alertent sur le coût humain du modèle de “modernisation” des pays développés et de ses conséquences en termes de développement »[7]. Le concept d’investissement social gagne de l’ampleur à la fin du XXe siècle, notamment lorsque les organisations internationales (OCDE, UE…) s’en emparent en opposition aux théories néolibérales et aux discours de déréglementation des années 1980, en prouvant que les politiques sociales sont économiquement légitimes. Toutefois, les Etats-Providence sont progressivement remis en question par la faible qualité des services qu’ils proposent et par leur ténacité à réduire les dépenses publiques attribuées aux politiques sociales. Dès lors, face au trilemme des régimes providentiels entre plein emploi, limitation des inégalités sociales et équilibre des finances publiques (Iversen, Wren, 1998)[8] est apparue la nécessité de repenser nos modèles démocratiques et sociaux.

Aujourd’hui, les mutations sociales s’accélèrent. Les problématiques émergentes des années 60 se sont renforcées : persistance du chômage des moins qualifiés, augmentation de la monoparentalité, vieillissement démographique, tensions générationnelles… Les grandes évolutions récentes (entrée des femmes sur le marché du travail, transformations des inégalités, révolution numérique)[9] poussent à une redéfinition des interventions publiques, car les politiques de protection sociale ont traditionnellement été pensées pour compenser les charges liées aux conséquences de problèmes sociaux plutôt que de les prévenir.

Des exemples européens inspirants pour un chantier encore vaste

 

Si la notion d’investissement social est sujette à réflexions et écrits dès les années 30, elle commence à trouver des traductions politiques au début des années 2000. L’Union Européenne évoque alors la notion de « politique sociale comme facteur productif », qui fonde la Stratégie de Lisbonne en 2000. Celle-ci s’était donnée comme objectif de faire de l’UE une économie du savoir compétitive tournée vers la création d’emplois de meilleure qualité et l’inclusion des femmes et des jeunes dans ce processus. Bien que cette Stratégie n’ait pas atteint l’ensemble de ses objectifs pour diverses raisons[16], la question de l’investissement social reste au cœur des préoccupations européennes.

La Commission européenne publie ainsi en 2013 une communication sur Les investissements sociaux en faveur de la croissance et de la cohésion, c’est-à-dire le « renforcement des capacités des citoyens et le soutien à leur participation à la société et au marché du travail. Ces investissements profiteraient à chacun, ils stimuleraient l’économie et aideraient l’UE à sortir plus forte, plus soudée et plus compétitive [de la crise] »[17]. Le ton est donné : les États membres sont enjoints à modifier le cadre de leurs politiques sociales et la nature de leur intervention, en investissant par exemple pour la petite enfance ou pour l’autonomie des personnes en situation de handicap. Tout ceci, non pas seulement au nom de valeurs de solidarité et d’égalité, mais aussi parce que l’ensemble des populations, au-delà des seuls « bénéficiaires », pourront profiter de retombées économiques positives.

Plus concrètement, ce sont les pays nordiques qui affichent des politiques sociales inspirées de cette approche et, dans le même temps, les meilleurs résultats. Ils présentent en effet une forte productivité tout en luttant contre les inégalités à travers des « dépenses » qui sont bien des investissements sur le long terme ; conjurant alors le trilemme insoluble des régimes providentiels cités plus haut.

La SUEDE constitue un modèle pionnier, notamment sur la structuration de son marché du travail et des réponses apportées aux problématiques de la petite enfance : en 2000, tous les parents sans condition (droit précédemment accordé exclusivement aux parents en emploi ou en formation) obtiennent automatiquement une place d’accueil pour leur enfant à partir d’un an. Au cours de la même année sont mises en place un certain nombre de mesures de garantie d’activités pour les personnes en situation de chômage longue durée, avec un accent mis sur la formation tout au long de la vie (formation professionnelle pour adultes, développement des compétences au travail…).

Le DANEMARK est également un exemple inspirant, où l’Etat affiche comme objectif de corriger les inégalités « héréditaires » pour éviter le cumul d’inégalités au cours de la vie et maintenir l’autonomie des individus. Le champ d’action est large : faciliter l’obtention d’un logement aux jeunes et personnes défavorisées (pour stabiliser leur situation et ainsi accéder plus facilement à un emploi) ou encore maximiser les capacités fonctionnelles et développer les situations de sociabilités des personnes en situation de handicap, ce qui permet par ailleurs de réduire l’intervention de la collectivité… Ces actions favorisent tant des progrès sociaux que des gains économiques, à travers un accès facilité à l’emploi et une moindre sollicitation des services publics à caractère curatif.

En France, intégrer une approche par l’investissement social

 

Dans la même dynamique européenne, la France se positionne sur le sujet et intègre progressivement cette grille de lecture dans la définition et l’application de ses politiques sociales. France Stratégie, institution publique rattachée au Premier ministre, publie en 2017 « L’investissement social : quelle stratégie pour la France ? »[18], résultat d’un cycle de séminaires du même nom organisé par les Apprentis d’Auteuil, la Caisse Nationale des Allocations Familiales (CNAF), la Direction Générale de la Cohésion Sociale (DGCS), le Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques de Sciences Po Paris et France Stratégie. La publication d’un tel document illustre la prise en compte de l’enjeu, alors qu’« au début des années 2000, lorsque la Commission européenne avait lancé une réflexion sur le chiffrage des coûts évités grâce aux politiques sociales, il n’en était sorti qu’un court document à caractère très général. […] Dans ces mêmes années, des notions telles que la prévention, les études d’impact et l’évaluation rencontraient fort peu d’écho au Parlement. L’organisation de ce séminaire témoigne d’une heureuse évolution des esprits ». Certaines politiques sociales en vigueur sont déjà fondées sur une logique d’investissement social : la médecine scolaire et du travail mais aussi la scolarisation des enfants à 2 ans relèvent de ce suivi et soutien tout au long de la vie.

Il n’existe par ailleurs pas de procédé unique relevant de l’investissement social, chaque pays devant s’adapter à une culture et un contexte. Typiquement, le système de protection sociale français repose sur une tradition de prestations monétaires qui vise à corriger les inégalités de revenus (dont l’augmentation a relativement été contenue ces dernières années) mais ne traite pas suffisamment les inégalités des « capabilités »[19], ou « à la racine ». Il est nécessaire de repenser cette approche, en développant notamment un accès à des services de qualité et dont l’impact positif est probant : le Compte personnel d’activité, comme outil nouveau basé sur les principes à la fois de solidarité et d’autonomie, en est un bon exemple.

Toutefois, les pouvoirs publics rencontrent encore des difficultés quant à l’application d’un tel champ d’action :
• Les difficultés relatives à la combinaison (plutôt que l’opposition) avec une approche assurantielle plus classique ;
• La diversification des financements pour éviter de peser sur le coût du travail à travers les cotisations ;
• La volonté d’investissement alors même que des dettes publiques antérieures subsistent.

Plus généralement, il s’agit d’être capable de justifier économiquement et politiquement d’une vision sociale de long-terme quand les coûts sur le court-terme peuvent décourager et qu’il existe des besoins sociaux immédiats. Julien Damon explique à ce titre que « l’absence d’une politique de prévention pouvant sauver des centaines de vies émeut moins qu’un refus de soins pour un enfant malade, même si le coût des soins est extrêmement élevé »[20].

La mise en œuvre d’une véritable politique d’investissement social serait alors facilitée :
• Par une réglementation budgétaire européenne plus adaptée et moins rigide face aux ambitions d’investissement des Etats-membres ;
• Par le renforcement des capacités d’évaluation de ces politiques sociales en devenir.
L’imputation de la causalité – savoir si des dépenses sont liées à des résultats par cause à effet quand les résultats se produisent bien plus tard et/ou que d’autres causes apparentes peuvent en être à l’origine – est un réel défi et constitue, au sein de la dimension évaluative de ces politiques sociales préventives, l’un des objectifs affichés de la stratégie française d’investissement social.

Un exemple de stratégie d’investissement social : le programme finlandais Housing first

 

Lancé en 2008 par le gouvernement finlandais, Housing First avait pour objectif de diminuer le nombre de personnes sans domicile fixe dans le pays. Aujourd’hui, alors que le sans-abrisme s’est aggravé partout et de manière constante en Europe ces dernières années, la situation en Finlande s’est considérablement améliorée. Le modèle repose sur quatre principes :
• Les personnes ciblées doivent pouvoir bénéficier d’un logement permanent et y vivre en toute indépendance ;
• Leur autonomie doit être respectée même si le programme nécessite une forme d’engagement vis-à-vis des services sociaux afin de réduire les risques ;
• La confiance entre bénéficiaires et professionnels doit être restaurée et ces derniers doivent agir en faveur de l’autonomisation des premiers ;
• Le programme doit faciliter l’intégration des personnes au sein de la société et leur permettre de recréer des liens sociaux.

L’Etat a ainsi consacré plus de 350 millions d’euros à l’accompagnement de chaque personne sans domicile fixe et à leur relogement, ce qui a permis la construction de près de 30 000 logements sociaux dans le pays. Un investissement conséquent qui a finalement généré 15 000 euros d’économie par an pour chaque personne prise en charge, grâce à la réduction des frais de santé et de la sollicitation des aides sociales. Un investissement social ambitieux qui gagnerait à fonctionner en complémentarité de politiques sociales classiques dites assurantielles.

En conclusion : la mesure d’impact comme outil concret

La stratégie d’investissement social se présente comme une réponse en construction mais ambitieuse face aux enjeux économiques et sociaux des Etats, non pas comme une solution clé en main, mais comme catalyseur d’une nouvelle philosophie aux fondements des politiques sociales pour anticiper les risques, soutenir les individus dans les périodes charnières de la vie et les accompagner vers l’autonomie… L’un des enjeux futurs derrière ce processus long est de promouvoir la culture de l’évaluation, et la mesure d’impact semble incontournable dans ce champ d’action. Incontournable, car elle invite par définition à montrer que la rentabilité financière peut également être associée à une forme de « rentabilité sociale » qui doit tout autant être recherchée. Alors qu’existait avant l’idée que ce qui n’était pas mesurable n’existait pas (à l’inverse de l’impact économique, de l’état des finances…), de nouvelles logiques ont émergé et il s’agit désormais de traiter la performance économique comme un moyen, non comme une fin, et de dépasser la seule dimension économique de la valeur.

Il est donc aujourd’hui crucial de diffuser en France cette culture de l’évaluation d’impact pour inspirer des politiques sociales « fondées sur la preuve » (evidence-based policy), à l’image des What Works Centres au Royaume-Uni qui entendent éclairer la décision publique en rendant compte de « ce qui fonctionne ». Les Objectifs de Développement Durable promus par l’ONU constituent en ce sens un début de référentiel commun intéressant pour travailler sur l’impact, pour promouvoir l’expérimentation et l’innovation sociale et pour remettre au centre du débat la dimension sociale des organisations et politiques publiques.

[1] Combien nous coûte le « vivre-séparé » ? Combien rapporte le « vivre ensemble » ?, 2022.
Pour consulter ce rapport, nous contacter par mail : contact@impact-tank.org

[2] Esping-Andersen, Gøsta (dir.). Why we need a new welfare state. Oxford University Press, 2002.

[3] Palier, Bruno. « Vers un État d’investissement social. Pistes pour une redéfinition de la protection sociale », Inform. soc., n° 128, 2005.

[4] Myrdal, Gunnar, et Myrdal, Alva. Kris i Befolkningsfrågan [La question de la population en crise]. Bonniers, 1934.

[5] Esping-Andersen, Gøsta. The three worlds of welfare capitalism. Cambridge, Polity press, 1990.

[6] Nicole-Drancourt, Chantal. « Mettre en perspective la perspective d’investissement social », La Revue de l’Ires, vol. 85-86, n° 2-3, 2015, 171-209.

[7] Ibid.

[8] Iversen, Torben, and Wren, Anne. « Equality, Employment, and Budgetary Restraint: The Trilemma of the Service Economy », World Politics 50.4, 1998, 507-46.

[9] Damon, Julien. « L’investissement social : contenu et portée d’une notion en vogue », Revue de droit sanitaire et social, n°4, 2015, 722-733.

[10] Citation des Myrdal, traduite par Morel, Nathalie. « L’Etat-providence suédois comme modèle social productif », Politiques sociales et familiales, n°112, 2013, p. 39-49. et Lalonde, Francine. « Gunnar Myrdal et la social-démocratie », in Dostaler Gilles, Ethier Diane et Lepage Laurent (dir.), Gunnar Myrdal et son œuvre, Economica, 1990, 129-141.

[11] Ibid.

[12] « Pourquoi un pauvre est-il pauvre ? Parce qu’un enchaînement de causes dont l’effet est cumulatif l’empêche de s’en sortir : un pauvre est moins instruit, s’alimente mal, est moins en [bonne] santé, travaille à bas salaire, ne garde pas ses emplois, se décourage, est pauvre. », Lalonde, Francine, op. cit.

[13] Hemerijck, Anton, et Vydra, Simon. « Le champ d’analyse de la politique d’investissement social », Informations sociales, vol. 192, n° 1, 2016, 8-20. 14 Bernard, Paul, et Boucher, Guillaume. « Institutional Competitiveness, Social Investment, and Welfare Regimes », Regulation and Governance, n° 1(3), 2007, 213-229.

[15] Damon, Julien, op. cit

[16] Voir De la stratégie de Lisbonne à la stratégie Europe 2020 | vie-publique.fr

[17] Voir Train de mesures sur les investissements sociaux en faveur de la croissance et de la cohésion, p.1.

[18] Voir L’investissement social : quelle stratégie pour la France ?

[19] Une notion qui est « définie par Amartya Sen, qui montre combien la liberté des personnes repose sur leur capacité à définir leurs propres projets de vie et à pouvoir les réaliser. Il combine ainsi la liberté individuelle et l’accompagnement collectif qui rend celle-ci possible, et insiste sur l’accès aux biens de base – l’éducation, la santé, etc. – comme condition indispensable de la liberté et de l’égalité. », L’investissement social : quelle stratégie pour la France ?, p.8.

[20] Damon, Julien, op. cit., p.4.

Les avis exprimés dans les notes d’analyses n’engagent que leurs auteurs et ne sauraient être considérés comme constituant une prise de position officielle de l’IMPACT TANK.

Ressources pour aller plus loin

  • Damon, Julien. « L’investissement social : contenu et portée d’une notion en vogue », Revue de droit sanitaire et social, n°4, 2015, 722-733.

  • Esping-Andersen, Gøsta (dir.). Why we need a new welfare state. Oxford University Press, 2002.

  • Nicole-Drancourt, Chantal. « Mettre en perspective la perspective d’investissement social », La Revue de l’Ires, vol. 85-86, n° 2-3, 2015, 171-209.

  • Palier, Bruno. « Vers un État d’investissement social. Pistes pour une redéfinition de la protection sociale », Inform. soc., n° 128, 2005.

  • Lalonde, Francine. « Gunnar Myrdal et la social-démocratie », in Dostaler Gilles, Ethier Diane et Lepage Laurent (dir.), Gunnar Myrdal et son œuvre, Economica, 1990, 129-141.

  • Iversen, Torben, and Anne Wren. « Equality, Employment, and Budgetary Restraint: The Trilemma of the Service Economy », World Politics 50.4 (1998), 507-46.

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Encouraging social innovation in Europe, from research to action

Encouraging social innovation in Europe, from research to action

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Encouraging social innovation in Europe, from research to action

Vendredi 11 février 2022, l’IMPACT TANK a organisé une conférence intitulée Encourager l’innovation sociale à l’échelle européenne, de la recherche à l’action.

Pendant trois heures, 10 chercheur·euse·s spécialisé·e·s et décideur·euse·s publics européen·ne·s ont réfléchi aux moyens de promouvoir l’innovation sociale.

Découvrez les 8 messages clés à retenir de leurs interventions, ainsi qu’une synthèse détaillée des échanges !

1. Les chercheur·euse·s doivent continuer à étudier les caractéristiques spécifiques de l’innovation sociale pour construire, avec les décideur·euse·s publics européen·ne·s, une définition commune de l’innovation sociale.

L’ensemble des intervenant·e·s s’est accordé à définir l’innovation sociale comme une réponse nouvelle à des besoins sociaux non-satisfaits ou mal-satisfaits. Ils et elles ont ensuite enrichi cette définition en ajoutant un critère de réponse aux enjeux environnementaux et en mettant l’accent sur l’importance du processus de co-construction d’une innovation sociale.

Jürgen Howaldt (Université Technique de Dortmund, Allemagne) a ajouté que l’innovation sociale demeure un sujet de recherche récent qu’il est nécessaire d’approfondir.

Thierry Sibieude (ESSEC Business School, France) et Frank Moulaert (Université Catholique de Louvain, Belgique) observent un intérêt global grandissant pour l’innovation sociale et défendent la nécessité de construire un langage commun.

2. Le champ de l’innovation sociale doit aussi inclure les mouvements sociaux et les initiatives citoyennes pour participer à l’empowerment de la société civile.

Les interventions ont mis en évidence le rôle clé, pourtant sous-estimé, des citoyens dans le développement des innovations sociales. Anna Seravalli a présenté l’approche de design participatif qu’elle utilise au sein du laboratoire Design and Innovation for Sustainability, à l’Université de Malmö (Suède), comme un moyen d’apprendre, d’expérimenter et de favoriser le changement.

« Les systèmes alimentaires locaux ont été marginalisés par les institutions parce qu’ils sont considérés comme étant opposés à la technologie. C’est en co-créant de nouvelles connaissances et de nouvelles données avec les parties prenantes que nous avons pu démontrer que les circuits-courts alimentaires font partie de l’avenir. »

 Yuna Chiffoleau (INRAE, France)

Amélie de Montchalin, Ministre française de la Transformation et de la Fonction publiques, a présenté l’Accélérateur d’Initiatives Citoyennes, dispositif conçu pour soutenir et mettre à l’échelle les innovations portées par la société civile en leur apportant les ressources nécessaires (financement, expertise et synergies avec les administrations publiques).

3. Favoriser l’innovation sociale signifie créer des espaces et développer des compétences pour mener des expérimentations collaboratives.

« Le plus grand défi avec les initiatives participatives est le fait qu’elles fassent émerger de nouvelles logiques. […] Dans le laboratoire DESIS de l’Université de Malmö, nous travaillons à donner un espace aux acteurs marginalisés, souvent réduits au silence. »

 Anna Seravalli

Les intervenant·e·s ont partagé la volonté de Jürgen Howaldt de créer des infrastructures telles que des laboratoires d’innovation sociale afin de fournir un lieu et le soutien institutionnel nécessaires à l’expérimentation.

Yuna Chiffoleau recommande la mise en place d’une « recherche-action participative afin de créer de nouvelles données et connaissances pour évaluer et mettre en œuvre collectivement les innovations sociales ».

Selon Frank Moulaert, « la recherche-action en innovation sociale consiste à reconstruire et solidifier les relations sociales autour de l’entraide mutuelle : en reconstruisant la collaboration et le soutien ».

4. L’Union Européenne dispose d’un rôle clé pour soutenir et coordonner l’innovation sociale pour l’ensemble des pays membres.

Risto Raivio, expert auprès de la Commission Européenne, a présenté les objectifs du Fonds Social Européen (ESF+) et s’est exprimé sur le besoin de mettre en œuvre d’autres programmes européens abordant explicitement l’innovation sociale et ses enjeux.

« La Commission Européenne est en train d’adopter une nouvelle réglementation pour encourager chaque Etat membre à promouvoir l’innovation sociale, à construire des écosystèmes, à s’impliquer dans des programmes, etc. »

 Risto Raivio

Pour Jürgen Howaldt, « la transformation écologique et numérique de l’Union Européenne doit être alignée sur le concept de l’innovation sociale : nous avons besoin de politiques publiques sur l’innovation sociale qui soient axées sur des missions ».

5. L’Union Européenne doit capitaliser sur les enseignements des innovations sociales et œuvrer à leur mise à l’échelle.

Les intervenant·e·s ont mis en avant le nombre important de projets de recherche européens dédiés à l’innovation sociale mais ils et elles ont souligné un manque de coordination entre les différentes parties prenantes et des lacunes en termes d’application des conclusions par les gouvernements. Risto Raivio a indiqué que l’Union Européenne a adopté une nouvelle série de mesures axées sur la mise à l’échelle et la réplicabilité des initiatives prometteuses et ouvert unappel d’offres sur ces enjeux.

« Nous finançons actuellement des centres de compétences au niveau européen pour promouvoir l’écosystème de l’innovation sociale et le renforcement des capacités, et, récemment, nous avons ouvert le Fond Européen Catalyseur pour l’innovation sociale (ESCF). »

 Risto Raivio

6. Tout innovateur et innovatrice social doit évaluer et travailler à améliorer son impact social.

« Dans le secteur social, il existe une tradition de mesure de l’impact dont le secteur financier peut s’inspirer. […] L’évaluation de l’impact social d’une activité est un moyen de rectifier la stratégie d’une organisation et d’allouer efficacement des ressources pour accroître son impact. Pour cela, la mesure d’impact doit être intégrée dans le processus de prise de décision. »

 Lisa Hehenberger (Esade, Espagne)

« L’innovation sociale consiste à renforcer la capacité de nos sociétés à agir et j’estime qu’il est important d’évaluer leurs transformations. »

 Gorgi Krlev (Université de Heidelberg, Allemagne)

Dans ce sens, Jürgen Howaldt a mis l’accent sur la nécessité d’échanger autour des moyens disponibles pour renforcer l’impact des innovations sociales.

7. Il est essentiel de travailler sur les données dans le cadre de la mesure d’impact.

Gorgi Krlev a mentionné les obstacles qu’il a rencontré lorsqu’il a tenté de construire des indicateurs de mesure d’impact : « L’une des principales difficultés que nous avons rencontrées est le manque de données disponibles permettant d’évaluer comment l’innovation sociale améliore concrètement le bien-être de la société. C’est un défi que nous devons relever et les décideurs et décideuses publics peuvent jouer un rôle clé ».

A titre d’exemple, Amélie de Montchalina présenté le Baromètre des résultats de l’action publique en tant qu’outil permettant de garantir la transparence et l’efficience de l’action publique. Le baromètre évalue le changement apporté par les politiques publiques, sur différents enjeux et dans chaque territoire français.

Enfin, si les intervenant·e·s considèrent la mesure de l’impact comme nécessaire, ils et elles identifient un risque de standardisation. Lisa Hehenberger estime que « le choix des indicateurs doit dépendre du secteur, de la problématique et du groupe bénéficiaire ».

8. L’innovation sociale incite à innover dans les formations proposées aux étudiant·e·s.

« Afin d’encourager l’innovation sociale, les nouvelles formes d’éducation (l’apprentissage mixte, le travail en ligne, les stages, le bénévolat et l’apprentissage par l’expérience) doivent être internalisées en tant que pratiques permettant d’intégrer les étudiants dans les organisations. […] Ils ne mettent pas seulement en pratique de nouveaux savoirs dans un environnement bienveillant, mais contribuent à la résolution de problèmes et développent leurs compétences entrepreneuriales. »

 Carmen Paunescu (Université de Bucarest, Roumanie)

Thierry Sibieude ajoute : « Lorsque vous enseignez l’entrepreneuriat social, vous devez avoir une approche pratique, ce qui constitue un défi pour les universités qui se concentrent sur la recherche ».

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Hygiène menstruelle : définition, enjeux et recommandations

Hygiène menstruelle : définition, enjeux et recommandations

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Hygiène menstruelle : définition, enjeux et recommandations

Enjeu de santé publique, de droit humain et d’accès à l’éducation et à l’emploi, l’hygiène menstruelle est au centre du parcours et de la vie des personnes menstruées (ou qui le seront), de leur entourage et du personnel éducatif et médical. Cependant, si l’enjeu émerge dans le débat public depuis quelques années en France, le silence et la stigmatisation autour des menstruations ainsi que les besoins en matière d’hygiène menstruelle demeurent majeurs.

Aujourd’hui, ce sont 500 millions de personnes qui rencontrent des difficultés pour gérer leurs menstruations dans de bonnes conditions (AFD, 2022) et 1.25 milliards de jeunes filles et femmes qui n’ont pas accès à des toilettes sûres et offrant l’intimité nécessaire (ONU Femmes, 2019).

L’auteure : Mima Ferrier

Mima Ferrier est chargée d’études au sein de l’IMPACT TANK dans le cadre de son stage de fin d’études. Après un Master 2 en Coopération internationale à Sciences Po Bordeaux, Mima rejoint l’IMPACT TANK pour travailler sur les enjeux liés aux inégalités de genre, sur la question des données en protection de l’enfance et sur l’organisation d’une conférence dédiée à l’innovation sociale en Europe.

Hygiène et précarité menstruelle : de quoi parle-t-on ?

 

Le tabou et le manque de connaissance sur les menstruations, auquel s’ajoute l’accès restreint aux protections hygiéniques, a créé des environnements handicapants voire excluants pour les personnes menstruées. Dans les pays en développement, les besoins en matière d’hygiène menstruelle sont d’autant plus importants qu’ils se confrontent au manque d’infrastructures d’approvisionnement en eau, d’assainissement et d’hygiène.

En France, l’enjeu de l’hygiène menstruelle est notamment présent à travers la question de la précarité menstruelle.

Le manque d’accès à des protections hygiéniques adaptées auquel s’ajoutent les douleurs et les complications entrainées par les menstruations handicapent un grand nombre de personnes menstruées dans leur vie quotidienne. Ainsi en France, plus de 2 femmes sur 10 ont déjà manqué le travail à cause de leurs règles (Règles Elémentaires, 2021) et 6 étudiant·e·s menstrué·e·s sur 10 déclarent avoir déjà manqué les cours pour des raisons médicales liées à leurs menstruations (FAGE, ANESF, AFEP 2021).

Rendre la société plus inclusive pour les personnes menstruées

 

Garantir l’accès à des protections hygiéniques saines et abordables, à des infrastructures sanitaires et à des lieux de travail et d’étude adaptés pour toute personne menstruée participe à prévenir les inégalités de genre en prévenant et luttant contre les discriminations et les autolimitations liées aux menstruations. Cela contribue également à l’empowerment des personnes menstruées via une plus grande confiance en elles et la préservation de leur dignité dans la sphère publique, privée et professionnelle. Enfin, cela favorise la prévention des risques d’infection et le soulagement des douleurs handicapantes liées aux menstruations.

Pour que les menstruations ne soient plus vécues comme un handicap, il paraît essentiel que les personnes non menstruées soient sensibilisées afin qu’elles aient les outils pour déconstruire leurs préjugés et puissent accompagner les personnes menstruées si besoin. C’est en mobilisant les personnes menstruées et celles qui ne le sont pas que le tabou autour des menstruations peut être brisé.

Les actions en France et à l’international sont donc développées autour de quatre axes principaux : l’accès à des protections hygiéniques abordables et saines pour le corps et l’environnement, l’accès à des infrastructures sanitaires et à l’eau, la sensibilisation et l’éducation à l’hygiène menstruelle, ainsi que la formation des professionnel·les et l’adaptation des milieux professionnels.

En garantissant l’accès à des protections hygiéniques adaptées et respectueuses du corps humain et de l’environnement

Les dons et les installations de distributeurs gratuits de protections hygiéniques se multiplient. Depuis 2015, l’association Règles Elémentaires lutte contre la précarité menstruelle en France et a développé un système de collectes de protections hygiéniques d’initiative citoyenne. De nombreuses boîtes à dons sont maintenant visibles dans les collectivités territoriales, les entreprises, les associations, etc. Les protections hygiéniques sont ensuite redistribuées à des associations au contact des personnes en situation de grande précarité telles que les Restos du Cœur.

La mise à disposition des protections hygiéniques est aussi essentielle dans les lieux publics, d’études et de travail ainsi que dans les prisons, où les personnes menstruées sont souvent dans l’impossibilité de se procurer des protections. A plus grande échelle, l’Ecosse est devenue en 2020 le premier pays à instaurer la gratuité des protections hygiéniques et les met à disposition dans des espaces communs tels que les pharmacies, les centres communautaires, etc.

Afin de lutter contre les impacts environnementaux et sanitaires négatifs de nombreuses protections hygiéniques jetables (comprenant des produits chimiques tels que le lindane, quintozène, HAP, phtalates, etc.), plusieurs start-up ont émergé ces dernières années, telles que Fempo, première marque de culottes menstruelles en France. C’est dans cette perspective que l’ingénieure étasunienne Kristin Kagetsu a créé les Saathi Pads, protections hygiéniques biodégradables élaborées à partir de fibres de banane à destination des jeunes filles indiennes. Ces protections visent plusieurs impacts positifs sur la santé des utilisateur·trices, sur la communauté et sur l’environnement. Fabriquées par des femmes rémunérées décemment, les protections permettent de dégager un revenu qui est également redistribué aux agriculteur·rices. Enfin, l’utilisation de la banane au lieu du plastique permet de réduire l’utilisation d’eau, de ne pas créer de déchets et de prévenir les irritations et les infections.

En assurant le fonctionnement et l’accès à des infrastructures sanitaires et à l’eau

Il existe aujourd’hui une variété de protections hygiéniques saines pour le corps et l’environnement. Cependant, les protections hygiéniques réutilisables (culottes menstruelles, cups, serviettes lavables, etc.) restent peu accessibles du fait de leur prix et de leur faible présence dans les grandes surfaces et les lieux publics. S’il est possible pour les personnes ayant un domicile décent et travaillant dans un bureau d’utiliser des protections hygiéniques lavables, ce n’est pas le cas pour les personnes sans domicile fixe et cela l’est plus difficilement dans les pays en développement. La construction de sanitaires dans les écoles est par conséquent une des mesures primordiales en matière d’hygiène menstruelle.

La question des protections est ici directement liée à la présence d’infrastructures sanitaires et d’accès à l’eau. Des initiatives se développent autour de l’accueil et de l’accompagnement des publics les plus touchés par la précarité menstruelle. C’est le cas de La cité des dames, un centre d’accueil et de soin ouvert sans interruption, créé par la Fondation de l’Armée du Salut et l’association Agir pour la santé des femmes (ADSF). Ce lieu offre des espaces de repos, donne accès à du matériel et à des infrastructures d’hygiène et propose des consultations médicales.

En informant et sensibilisant à l’hygiène menstruelle

Si l’accès à des protections hygiéniques et des infrastructures adaptées est un facteur essentiel, lever le tabou sur les règles et informer sur le cycle menstruel sont des conditions sine qua non pour garantir une bonne gestion de l’hygiène menstruelle. En effet, les menstruations semblent souvent être les oubliées de l’éducation à la sexualité et une sensibilisation dès le plus jeune âge doit permettre une meilleure compréhension du fonctionnement du corps.

L’UNESCO défend ainsi une « éducation sexuelle complète »[1] qui comprend l’éducation à la puberté. Des interventions en milieu scolaire se développent en France comme ailleurs pour éduquer les élèves à la puberté et en particulier, à la gestion des règles. Il s’agit d’expliquer les étapes du cycle menstruel mais également de présenter l’éventail des protections hygiéniques disponibles, leur utilisation et les potentiels risques d’infection.

Une diversité de formats pédagogiques émerge par ailleurs depuis plusieurs années telles que des applications de suivi et d’information sur le cycle menstruel, des livres, séries télévisées, etc. L’application Oky, créée par le fond UNICEF pour l’innovation, est la première application au monde de suivi et de sensibilisation aux règles. Elle existe en plusieurs versions en fonction du public (masculin, féminin, parents, enseignant·es) et propose une encyclopédie sur différents thèmes liés à la santé menstruelle, sexuelle et reproductive. L’ONG internationale Wash United a également élaboré des guides d’éducation à la gestion de l’hygiène menstruelle à destination des jeunes filles et des enseignant·e·s et adaptés aux régions géographiques.

En formant les professionnel·les et en adaptant les espaces et temps de travail

Les mêmes besoins d’accompagnement existent dans les milieux professionnels, tant dans la formation des personnels soignants et éducatifs, que de l’aménagement du temps et de l’espace de travail des personnes menstruées. Depuis mars 2022, l’entreprise lyonnaise Louis donne à ses employé·es la possibilité de prendre un congé menstruel, c’est-à-dire de pouvoir poser un congé une fois par mois durant leurs menstruations.

Par ailleurs, il paraît important de souligner que les troubles hormonaux tels que le syndrome des ovaires polykystiques[2] et les maladies gynécologiques comme l’endométriose[3] restent sous-diagnostiquées et souvent sans traitement curatif. Briser le tabou des menstruations permet également de mettre en lumière les enjeux autour de ces maladies et d’encourager la recherche dans ces domaines.

Un enjeu de mesure d’impact et de capitalisation des connaissances

 

La mesure d’impact est un levier pour comprendre la portée de ces initiatives sur la santé menstruelle elle-même, mais aussi sur l’éducation des personnes menstruées, leur confiance en elles ou encore sur la connaissance de leurs corps. En documentant les effets des actions développées, leurs facteurs de réussite mais aussi leurs limites, de telles démarches évaluatives permettent d’identifier les solutions à diffuser largement et les améliorations à apporter.  Sur le sujet de l’hygiène menstruelle, la réflexion sur la mesure d’impact demeure cependant encore récente et présente essentiellement dans le secteur du développement.

Les interventions sur l’hygiène menstruelle ayant des volets et des impacts très divers, certains effets sont fréquemment étudiés, tandis que d’autres varient en fonction des priorités liées au contexte. Les organisations internationales travaillent depuis plusieurs années à structurer et à promouvoir la mesure d’impact. L’Africa Gender Innovation Lab de la Banque Mondiale travaille actuellement à mesurer l’impact des projets conduits en Afrique subsaharienne sur l’hygiène menstruelle. Des expert·es de l’hygiène menstruelle tel·les que Julie Hennegan réfléchissent à des indicateurs[4] et conseillent les organisations internationales dans leur mesure d’impact.

Plusieurs études ont ainsi été menées dans le secteur du développement sur l’impact de la distribution de protections hygiéniques et de la sensibilisation à l’hygiène menstruelle sur la connaissance de son corps, la confiance en soi ou l’absentéisme à l’école. Toutefois, les résultats des différentes études sur ce dernier sujet se contredisent et il n’est pas encore possible aujourd’hui de démontrer un impact direct de l’accès aux protections hygiéniques sur la présence des jeunes filles à l’école[5].

Dans le cadre de son contrat à impact sur l’hygiène menstruelle en Ethiopie, l’Agence Française de Développement (AFD) a travaillé avec KOIS Invest, Social Impact et l’ONG CARE autour d’indicateurs de mesure d’impact qui prennent en compte la dimension transversale de l’hygiène menstruelle. Projet lancé au cours des prochains mois et mis en œuvre par CARE France, en collaboration avec CARE Éthiopie et ProPride[6], les actions et les indicateurs d’impact ont été construits autour des trois dimensions de l’hygiène menstruelle : la sensibilisation, l’eau et l’assainissement et les protections hygiéniques.

Ces initiatives participent au besoin d’objectivation des connaissances sur les solutions les plus efficaces sur le terrain. Dans cette lignée, L’UNICEF et l’UNESCO ont publié plusieurs rapports d’orientation pour les programmes développés autour de l’hygiène menstruelle[7] et de l’éducation à la puberté[8] dans lesquels figurent la présentation des solutions les plus prometteuses et des recommandations pour les actions à venir. Des ONG internationales telles que la Croix Rouge ainsi que des instituts de recherche partagent par ailleurs des guides pratiques[9], notamment au niveau de l’aide humanitaire[10].

Bien que les contextes soient différents, la France pourrait s’inspirer, sur son territoire, de telles démarches d’évaluation, à la fois dans les méthodes et indicateurs employés, que dans la valorisation des solutions faisant la preuve de leur impact positif.

Une priorité française

 

La promotion d’une bonne hygiène menstruelle est aujourd’hui au cœur de la stratégie nationale de santé sexuelle, et de la « diplomatie féministe » conduites par le gouvernement français à l’échelle nationale et internationale. Les collectivités territoriales se mobilisent aux côtés des ministères des Solidarités et de la Santé, de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, de l’Europe et des Affaires étrangères et du ministère chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances. Plusieurs rapports d’information ont été conduits à ce sujet[11] et des mesures pour faciliter l’accès aux protections hygiéniques et garantir l’hygiène menstruelle ont été adoptées.

Pour la santé menstruelle 

En décembre 2022, un décret sera adopté obligeant fabricants français et internationaux à inscrire la composition et les précautions d’utilisation sur les protections.

Ce décret, largement sollicité par l’association Règles Elémentaires, intervient deux mois après l’adoption de la proposition de loi reconnaissant l’endométriose comme affection longue durée par l’Assemblée Nationale. Le gouvernement déploie par ailleurs une stratégie nationale pour combattre l’endométriose jusqu’en 2025.

Une proposition de loi « pour une réelle prise en compte de la santé menstruelle » a par ailleurs été déposée ; elle met en avant des mesures qui couvrent les différents aspects de l’hygiène menstruelle tels que l’accès facilité à des sanitaires et à des protections menstruelles dans les lieux publics, l’ouverture de négociations d’accords de branche sur les enjeux de la santé menstruelle dans le monde du travail, et la formation et la sensibilisation aux enjeux de la santé menstruelle dès l’école primaire.

Contre la précarité menstruelle

Les pouvoirs publics sont également engagés dans la lutte contre la précarité menstruelle avec l’équipement de distributeurs de protections hygiéniques gratuites dans les campus universitaires depuis septembre 2021. L’Université de Lille a été le premier organisme public en France à distribuer en 2019 des protections hygiéniques (jetables) à ses étudiant·e·s. Depuis 2021, l’université fournit des protections hygiéniques éco-responsables telles que des serviettes lavables et des coupes menstruelles. Les collectivités territoriales ont pris également des mesures dans ce sens, notamment suite à l’initiative individuelle de quelques élèves.

Première région de France à prendre cette initiative, l’Ile-de-France a doté à la rentrée 2020 tous les lycées franciliens de distributeurs de protections hygiéniques gratuites et propose en parallèle des séances de coutures de serviettes hygiéniques lavables à destination des femmes migrantes en situation de précarité. Certaines collectivités (Conseil Régional Bretagne, Département Puy-de-Dôme, Région Hauts-de-France, etc.) mettent également en place des ateliers de sensibilisation à l’hygiène menstruelle et distribuent des kits pédagogiques. En parallèle, le gouvernement finance des maraudes, épiceries solidaires, et collectes qui agissent contre la précarité menstruelle.

Enfin, à l’échelle internationale, le gouvernement français a initié avec le Mexique le Forum Génération Egalité 2021-2026 et participe à une coalition sur les droits sexuels et reproductifs. En janvier dernier, le ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères a initié à travers l’Agence française de développement (AFD) un contrat à impact social sur l’hygiène menstruelle en Ethiopie. L’Union Européenne cherche également à « remédier à une gestion inadéquate de l’hygiène menstruelle » à travers son Plan d’action sur l’égalité des sexes et l’émancipation des femmes dans l’action extérieure 2021–2025 et réserve un axe à la mesure des résultats.

En conclusion

En conclusion, il est nécessaire d’adopter des mesures et d’encourager une mesure d’impact qui prennent en compte l’ensemble des dimensions de l’hygiène menstruelle, afin que les personnes menstruées aient non seulement accès à des protections hygiéniques et à des infrastructures sanitaires, mais connaissent leur corps et évoluent dans des milieux professionnels et éducatifs qui leur soient adaptés.

Mettre fin à la stigmatisation des menstruations demande une mobilisation tant nationale qu’internationale, afin que les menstruations soient mises à l’agenda politique et que les initiatives les plus prometteuses soient identifiées, mesurées et diffusées, puis transformées en politiques publiques.

[1] Education sexuelle complète : nouveaux éléments d’information, enseignements et pratiques : une étude mondiale, UNESCO, 2015.

[2] « Le syndrome des ovaires polykystiques est un trouble hormonal rencontré fréquemment chez les femmes en âge d’avoir des enfants, pouvant se traduire par des anomalies du cycle menstruel, de l’acné, une pilosité excessive, un surpoids… voire une infertilité. » (Ameli).

[3]« L’endométriose est une maladie gynécologique chronique de la femme en âge de procréer qui se caractérise par le développement d’une muqueuse utérine (l’endomètre) en dehors de l’utérus, colonisant d’autres organes avoisinants. » (Ministère des Solidarités et de la Santé). 1.5 à 2.5 millions de personnes en France souffrent d’endométriose avec un retard diagnostique quasi-systématique de 7 ans en moyenne (Ministère des Solidarités et de la Santé, 2022).

[4] Monitoring Menstrual Health and Hygiene – Measuring Progress for Girls related to Menstruation, Columbia University and Mailman School of Public Health, 2019.

[5] Menstruation as a barrier to education?, Abdul Latif Jameel Poverty Action Lab, 2011.

[6] ONG éthiopienne engagée dans la lutte contre les violences faites aux femmes et la promotion des droits des femmes.

[7] Guidance on menstrual hygiene, UNICEF, 2019.

[8] Education à la puberté et à la gestion de l’hygiène menstruelle, UNESCO, 2014.

[9] Répondre aux besoins relatifs à la gestion de l’hygiène menstruelle (GHM), Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, 2019.

[10] LE MINI-GUIDE Un instrument destiné à intégrer la gestion de l’hygiène menstruelle (GHM) dans la réponse humanitaire, Université Columbia et International Rescue Committee, 2017.

[11] Rapport d’information de décembre 2020 sur les menstruations et Mission d’information de février 2022 sur la santé des femmes de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, Rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes en 2020 intitulé « Prendre en compte le sexe et le genre pour mieux soigner ».

Les avis exprimés dans les notes d’analyses n’engagent que leurs auteurs et ne sauraient être considérés comme constituant une prise de position officielle de l’IMPACT TANK.

Ressources pour aller plus loin

  • Romeiro Dias, Laëtitia et Bénédicte Taurine. Rapport d’information fait au nom de la Délégation aux Droits des Femmes et à l’Egalité des Chances entre les Hommes et les Femmes sur les menstruations, 2020.

  • Règles Elémentaires et Opinionway. Baromètre exclusif : Les français·es et la précarité menstruelle, 2021.

  • Dons Solidaires. 2ème Baromètre : Hygiène et Précarité en France, 2021.

  • House, Sarah et al. Menstrual hygiene matters. A resource for improving menstrual hygiene around the world, 2022.

  • Global MHH Monitoring Group. Priority List of Indicators for Girls’ Menstrual Health and Hygiene: Technical guidance for national monitoring, 2022.

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La mesure d’impact social, une question de données

La mesure d’impact social, une question de données

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La mesure d’impact social, une question de données

La question des données est omniprésente dans les guides et rapports sur la mesure d’impact social[1]. Mais ce terme entré dans les usages est rarement défini ou contextualisé.

Qu’appelle-t-on « données » dans le secteur de l’évaluation d’impact social ? A quoi servent-elles, et quelle place leur laisser ?

L’auteure : Hélène L’Huillier

Economiste-statisticienne de formation, titulaire d’une thèse de doctorat sur l’impact de projets de RSE sur le développement humain durable, Hélène L’Huillier a 10 ans d’expérience dans le conseil et la recherche en évaluation de projets à impact.

Après avoir travaillé pour le programme de recherche Codev de l’ESSEC puis pour le cabinet de conseil Kimso, Hélène est depuis 2020 consultante entrepreneure au sein de la CAE la Maison de l’initiative à Toulouse. Ses activités sont de trois ordres : accompagnement de structures de l’ESS dans leur démarche d’évaluation d’impact ; contribution à des projets de recherche-action sur les métriques de la transition ; sensibilisation aux enjeux éthiques et politiques associés aux outils de mesure d’impact.

Les données d’impact social, qu’est-ce que c’est ?

 

La donnée : une observation pouvant prendre différentes formes 

Une donnée peut être définie comme une « description élémentaire, typiquement numérique, d’une réalité. C’est par exemple une observation ou une mesure » (Abiteboul, 2012). A partir d’un ensemble de données, on peut obtenir de l’information en les structurant, et aboutir à des connaissances en interprétant l’information. Ces trois notions proches peuvent faire l’objet de confusion.  

Avec l’influence du « big data »[2], les données et leur analyse sont connotées d’une dimension quantitative. Mais les données peuvent être aussi bien numériques que textuelles, sonores, visuelles…  

Exemple

Les données à caractère personnel définies par la CNIL[3] incluent notamment la date de naissance (donnée numérique), le nom et le prénom (données textuelles), la voix (donnée sonore) et l’image (donnée visuelle). 

Une donnée ne dit rien prise isolément ou sortie de son contexte. Pour en tirer de l’information, elle va être mise au regard d’autres données et interprétée en fonction de son environnement (Rivière, 2020). Dans le domaine de l’évaluation d’impact social en particulier, les données constituent le socle à partir duquel sont construits des variables, des indicateurs ou des indices agrégés (Ottaviani, 2021). 

    Le Roy & Ottaviani, 2017

    Les données d’impact social : quantitatif vs. qualitatif ?

    Dans les guides sur l’évaluation d’impact social, deux types de données sont souvent opposés : les données quantitatives et qualitatives (ex : Avise, Improve & Fidarec, 2021). Plutôt que le format initial des données, c’est leur traitement, la méthode d’analyse qui leur est appliquée pour passer à une information et à des connaissances, qui est ici en jeu. 

    Exemple

    Une baisse moyenne des dépenses de chauffage de 30% chez les bénéficiaires d’un projet de lutte contre la précarité énergétique est une information quantitative. Un témoignage de bénéficiaire expliquant que, grâce au projet, ses dépenses de chauffage ont baissé de 30% et qu’il a pu réparer sa voiture grâce à l’augmentation de son reste à vivre est une information qualitative. Les deux s’appuient sur une donnée numérique. Dans le premier cas, on va mettre l’accent sur le caractère généralisable de l’information. Dans l’autre, on va mettre l’accent sur les mécanismes en jeu en éclairant le chiffre par un contexte. Ces deux usages sont complémentaires.

      Données primaires et secondaires, données brutes et traitées

      Les données d’impact social peuvent être soit collectées spécifiquement pour l’évaluation – on parle alors de données primaires – soit être rassemblées pour l’évaluation et lui préexister (statistiques publiques, données de suivi, évaluations antérieures…) – on parle de données secondaires[4]. 

      Exemple

      Parmi ses chiffres clés sur l’impact social, l’association VoisinMalin[5]indique que 42% des habitants de QPV vivent sous le seuil de pauvreté (donnée secondaire produite par l’INSEE) et que 2 fois plus de familles ont amené leurs enfants aux spectacles de la médiathèque (donnée primaire recueillie lors d’une enquête spécifique).

      Une autre distinction usuelle oppose les données dites « brutes » et les données nettoyées, ou traitées. Les données brutes sont celles qui découlent immédiatement de la collecte. Les données traitées ont déjà fait l’objet d’un contrôle et de première manipulations simples (suppression des doublons, harmonisation des formats…) par un être humain, afin de les rendre interprétables. 

        Les données d’impact social, à quoi servent-elles ?

         

        Nourrir l’évaluation d’un projet

        Les données d’impact social interviennent tout au long de la chaîne de valeur sociale, pour répondre à des enjeux évaluatifs différents, en particulier 

        Données de contexte

        Ces données, souvent secondaires, documentent le besoin social. Elles permettent de mieux définir l’impact visé du projet en fonction des enjeux identifiés comme centraux pour le public cible. 

        Données de baseline

        Ces données visent à décrire la situation initiale du public cible, à travers une « photographie » de départ qui servira de point de référence pour le suivi de l’action. 

        Données de suivi

        Ces données portent sur la situation des bénéficiaires juste après l’action puis dans le temps. En les comparant aux données de baseline, des informations sur l’impact de l’action peuvent se déduire des écarts observés. 

        Données de comparaison/contrefactuel

        Ces données permettent de reconstituer quelle aurait été la situation des bénéficiaires sans l’action à partir d’un groupe témoin, et donc d’entrer dans une analyse de causalité sur l’impact. Leur traitement nécessite des compétences économétriques. 

        Exemple

        Parmi les chiffres clés de VoisinMalincités plus haut, celui sur les habitants de QPV vivant sous le seuil de pauvreté porte sur le contexte et celui sur les familles amenant leurs enfants à la médiathèque s’appuie sur des données de suivi et des données de comparaison.

        Selon l’enjeu évaluatif visé, certains types de données seront favorisés. Pache et Stievenart (2014) font ressortir quatre familles de méthodes, qui mobilisent différentes formes de données et permettent de répondre à des enjeux évaluatifs spécifiques. Leurs conclusions peuvent se résumer comme suit : 

        Baudet (2019) prolonge cette réflexion en mettant en évidence 10 analyses possibles (dont 4 « simples » et 6 « complexes »[6]) et en montrant que chacune s’appuie sur des outils distincts avec un usage privilégié du chiffre pour les analyses de résultat, efficience, efficacité et attribution. 

        Ainsi, les données sont au centre des différentes méthodes évaluatives. Elles peuvent être mobilisées, selon les deux usages classiques de l’évaluation d’impact social (le fameux « prove and improve »), pour mettre en valeur un projet et pour contribuer à son pilotage. Elles peuvent également parfois permettre de prendre des décisions opérationnelles ou stratégiques : c’est le cas pour 52% des répondants de l’enquête menée par l’ESSEC et l’Impact Tank auprès des structures ayant mené des démarches d’évaluation (ESSEC & Impact Tank, 2021). 

        Servir des enjeux collectifs, au-delà du projet

        Au-delà du projet évalué, les données d’impact social peuvent être utilisées dans une démarche plus systémique. Les connaissances acquises sur le projet donnent en effet à voir des constats souvent partagés avec d’autres acteurs du secteur. Il peut alors être décidé de mettre ces enseignements en commun, comme l’ont par exemple fait en 2020 des acteurs de l’égalité des chances dans une logique de plaidoyer (Collectif Mentorat) ou comme le font depuis 2017 des acteurs de la fraternité (Laboratoire de la fraternité). Il peut plus simplement s’agir d’orienter la communication qui est faite à partir des résultats, non pas en visant de montrer l’efficacité et l’efficience d’un projet spécifique dans un esprit de différenciation, mais en mettant l’accent sur les besoins et apports globaux d’un type d’action menée, et donc l’urgence d’agir, sous différentes formes et de façon globale.

        Exemple

        L’évaluation d’un programme de SIEL BLEU mené par des chercheurs de l’IPP en 2012 a mis en évidence son impact sur la réduction des chutes et sur les coûts évités pour la collectivité. Les résultats ont plus largement nourri un plaidoyer (partagé avec d’autres acteurs associatifs et sanitaires) autour de l’importance de la prévention par l’activité physique[7].

        Les évaluations d’impact social peuvent également être des occasions de faire des ponts entre deux niveaux de données : celles collectées par les associations sur leurs bénéficiaires, et celles collectées par l’Etat sur l’ensemble d’une population. L’accessibilité croissante à la statistique publique (notamment à travers le site www.data.gouv.fr) peut faciliter l’obtention de données de contextualisation ou de comparaison pour les associations. Des expérimentations sont par ailleurs menées pour réconcilier (fusionner pour disposer d’une entrée « personne »[8]) des données connues de l’administration via différents canaux. 

        Exemple

        Le programme 100% inclusion du Plan d’investissement dans les compétences demande aux projets financés de faire remonter des données sur leurs bénéficiaires (situation initiale, intermédiaire et finale) pour produire une connaissance globale du sujet et améliorer l’articulation des dispositifs.

        Ces initiatives restent beaucoup plus rares que l’usage classique des résultats d’une évaluation pour montrer l’efficacité du projet ou contribuer à son pilotage. 

        Les données d’impact social, quels points de vigilance ?

         

        Les données sont toujours socialement construites

        Quels que soient le type de données mobilisées et leur usage (qualitatif, quantitatif ou mixte), elles ne sont jamais qu’un reflet partiel de la réalité, qui s’appuie sur des partis pris et choix méthodologiques. En particulier, les indicateurs quantitatifs sont parfois perçus comme des outils techniques, politiquement neutres. Or, ils reposent toujours sur des conventions: « quantifier, c’est convenir, puis mesurer » (Desrosières, 2008).  

        Exemple

        Le taux de « sortie positive » d’une association de parrainage de jeunes diplômés au chômage ne sera pas le même selon si l’on définit comme « sortie positive » toute forme d’emploi ou de formation (A) ou plus spécifiquement les emplois en CDI ou CDD de + de 6 mois considérés comme la personne par à la hauteur de leurs compétences (B).

        Les outils de mesure ont par ailleurs un caractère performatif (Ottaviani 2016). Les indicateurs d’impact, lorsqu’ils sont utilisés comme outils de pilotage ou pour rendre des comptes, peuvent alors devenir ce qui guide l’action, amenant le risque de la simplifier voire de la dénaturer, en l’absence de prise de recul sur ce biais. 

        Exemple

        Choisir comme unique indicateur d’impact le taux de sorties positives pourra induire l’association à privilégier des actions sur le court-terme permettant un retour rapide à l’emploi, et à délaisser des actions sur le plus long terme (confiance en soi, soft skills…). Parmi les deux taux de sortie présentés, choisir le taux A pourra induire l’association à privilégier l’accompagnement du plus grand nombre vers des emplois « faciles » en accordant moins d’attention à la qualité ou la durabilité de l’emploi ; choisir le taux de sorties B pourra l’induire à privilégier l’accompagnement des bénéficiaires les plus faciles à accompagner en accordant moins d’attention aux autres.

        Ce caractère performatif ne s’applique pas uniquement aux indicateurs d’impact, mais à tous les indicateurs de performance pouvant être mis en place dans une structure (ex : nombre d’encadrants par bénéficiaires, taux journalier…). La démultiplication de ce type d’indicateurs est porteuse de risque lorsque l’évaluateur devient celui qui définit les objectifs du projet, dont les valeurs et le caractère politique disparaissent derrière un discours d’efficacité (Jany-Catrice, 2020).  

        Exemple

        Dans les expérimentations aléatoires, le projet est construit pour être évaluable, plutôt que le protocole d’évaluation pour répondre au projet (Jatteau, 2016).

        Choisir des indicateurs d’impact en ligne avec les valeurs de la structure est donc essentiel, sachant qu’ils orienteront l’action, d’une manière ou d’une autre. Par exemple, l’association Aux captifs, la Libération a fait le choix de construire un outil d’évaluation fondé sur l’approche des capacités et centré sur la personne accompagnée, pour éviter que l’action ne soit guidée par des indicateurs imposés de l’extérieur, comme le nombre de personnes sorties de la rue ou le coût social évité (Labo de l’ESS 2019). 

        Un bon outil de collecte est un outil adapté à l’action et en ligne avec les principes de la structure

        Les différentes manières de collecter des données d’impact sont déjà très documentées, et notamment synthétisées dans les guides suivants : Avise Essec Mouves (2013), Improve (2015), Avise Fonda Labo de l’ESS (2017), VISES (2019). Nous ne les détaillons donc pas ici. 

        Ce qui ressort de cette littérature grise et des travaux de recherche sur l’évaluation d’impact social (L’Huillier 2017, Kleszczowski 2017, Machado 2019, Baudet 2019) est qu’aucune manière de collecter des données (entretien, questionnaire, outil intégré à l’action…) ou de les analyser (statistique uni- ou bivariée, économétrie, analyse textuelle…) n’est meilleure[9] que les autres en soi. Ces outils répondent à des contraintes et enjeux différents. Ils ont chacun leurs points forts et leurs limites, s’inscrivent dans des cadres de pensées différents (Branger et al. 2014, voir Annexe), et leur choix doit se faire en conscience de ces cadres de pensée et en fonction des contextes de projet. 

        Deux points d’attention communs aux différentes méthodes de collecte ressortent néanmoins : 

        Chaque donnée collectée doit pouvoir apporter de l’information utile et pertinente.  

        La généralisation des évaluations d’impact et les exigences croissantes de reporting peuvent inciter à vouloir réunir toujours plus de données. Mais la collecte et l’analyse de ces données est très chronophage et coûteuse, et le temps dédié à ces tâches est souvent invisible. Il est important que la donnée reste au service de l’action, face au piège de la « mesure pour la mesure », et que sa collecte ne mobilise pas trop de ressources (en temps et financières) par rapport à celles accordées à l’action. S’accorder des temps de recul pour prioriser les données les plus clés, si possible en collectif (par exemple : atelier sur les indicateurs dans le cadre d’un séminaire stratégique), peut s’avérer très utile. 

        Les outils de collecte doivent être en ligne avec les principes et pratiques de l’association 

        Par exemple, une association qui prône l’anonymat des bénéficiaires pourra risquer de dénaturer l’action avec une méthode avant-après qui nécessite de collecter des informations personnelles pour assurer un suivi individuel. Une autre organisation prônant l’accueil inconditionnel des personnes sans limites de temps devra quant à elle suivre avec précaution un éventuel indicateur lié à la durée de présence et ne pas le transformer en objectif. Il est généralement possible de refuser de mettre en place un indicateur, ou bien de proposer une évolution d’un outil de collecte, si ceux-ci mettent mal à l’aise les équipes ou les bénéficiaires 

        La qualité des données d’impact, un enjeu à intégrer du cadrage à l’analyse

        La qualité des données est souvent citée comme un prérequis, notamment dans une démarche d’évaluation d’impact social (Duke University, 2021). Cette notion n’a a priori rien d’absolu, elle dépend des usages qui sont prévus pour telle ou telle donnée. Toutefois, certains principes communs peuvent être répertoriés, en gardant en tête qu’une donnée sera toujours imparfaite (Société Française d’Evaluation, 2021) : 

        Pertinence

        Le fait que la donnée représente le plus fidèlement possible l’information qu’on cherche à obtenir.

        Fiabilité

        Le fait que la donnée soit juste, qu’il n’y ait pas de doublons, etc.

        Accessibilité

        La fait que la donnée puisse être obtenue facilement. 

        Lisibilité

        Le fait que la donnée soit exprimée de manière uniforme et puisse être traitée, en particulier par un outil informatique. 

        Comparabilité

        Le fait que la donnée soit figée dans le temps, notamment dans sa méthode de construction, pour pouvoir être comparée.

        Conformité

        Le fait que la donnée soit interprétée de manière univoque, notamment parce que les conventions ont été partagées et rendues explicites entre les producteurs de données et les utilisateurs de données.

        Ces principes peuvent guider la réflexion dès en amont, dans la phase de cadrage des données recherchées et de définition des outils de collecte, puis permettre de passer des données brutes à une base de données opérationnelle, et enfin d’analyser les données de façon crédible et utile. Un exemple de référentiel de critères est proposé ci-dessous à travers le R.A.D.I.S.  

        Projet de l’IMPACT TANK sur les données dans le secteur social

        L’IMPACT TANK a la conviction que le secteur social, comme avant lui le secteur sanitaire, va considérablement se transformer dans les 10 prochaines années avec un recours accru aux données. Nous souhaitons accompagner cette transition pour qu’elle soit au service de parcours plus qualitatif et personnalisé des prises en charge, et créatrice ainsi d’impact positif.

        Il s’agit pour cela d’engager les acteurs de terrain et les pouvoirs publics à se saisir des questions éthiques, réglementaires, techniques et opérationnelles y étant attachés. Cette note bibliographique est le premier jalon de nos travaux, en présentant les liens entre mesure d’impact et données. 

        [1] Par exemple, le terme données apparaît 50 fois en 36 pages dans le dernier guide publié par l’Avise avec Improve et Fidarec sur le sujet (2021).

        [2] http://www.penombre.org/IMG/pdf/lg_14_bigopendata_v1r.pdf

        [3] https://www.cnil.fr/fr/identifier-les-donnees-personnelles

        [4] https://quadrant-conseil.fr/ressources/outils/glossaire.pdf

        [5] https://voisin-malin.fr/files/Limpact_de_VoisinMalin.pdf

        [6] Les analyses qu’il désigne comme « simples » sont centrées sur un seul élément de la chaîne de valeur social (analyses de besoin, de résultat, de satisfaction et de qualité). Les analyses qu’il désigne comme « complexe » mettent en relation 2 éléments de la chaîne ou plus (analyses de ciblage, de productivité, d’efficience, d’efficacité ou de contribution, d’attribution, de pertinence).

        [7] Sébastien Goua évoque notamment ces enjeux dans le Panorama ESSEC & Impact Tank (2021).

        [8] Les expérimentations de ce type soulèvent des enjeux à la fois éthiques (droit à l’anonymat des personnes bénéficiant de différents services publics) et techniques (mise en place et suivi de processus de collecte et transformation des données permettant d’assurer le respect du RGPD).

        [9] De manière générale, la prudence est de mise face aux « classements » des méthodes proposées par certaines institutions qui sont généralement juges et parties. La thèse d’Arthur Jatteau (2016) le montre très bien au sujet des expérimentations aléatoires, sujettes à beaucoup de biais et bricolages de terrain malgré leur affichage de « gold standard » des méthodes économétriques d’évaluation de l’impact.

        Les avis exprimés dans les notes d’analyses n’engagent que leurs auteurs et ne sauraient être considérés comme constituant une prise de position officielle de l’IMPACT TANK.

        Bibliographie sélective

        • Abiteboul, S. (2012). Sciences des données : de la logique du premier ordre à la Toile : Leçon inaugurale prononcée le jeudi 8 mars 2012 au Collège de France.
        • Avise, Essec, Mouves (2013). « Petit précis de l’évaluation de l’impact social ». Guide pratique.
        • Avise, Fonda et Labo de l’ESS (2017). « La mesure d’impact social. Caractéristiques, avantages et limites des démarches existantes. » Rapport n°1 de l’étude « ESS et création de valeur ».
        • Avise, Improve & Fidarec (2021). « Comment évaluer son impact ? Principes méthodologiques ». Cahier pratique réalisé dans le cadre de Social Value France.
        • Baudet, A. (2019) « L’appropriation des outils d’évaluation par les entreprises sociales et associationsnd’intérêt général : apports d’une approche sociotechnique pour la conception des outils d’évaluation d’impact social ». Thèse de doctorat en gestion, ESCP Europe, soutenue le 28 janvier 2019.
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