La diversité, accélérateur de performances pour l’économie

La diversité, accélérateur de performances pour l’économie

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La diversité, accélérateur de performances pour l’économie

A l’heure de la récente présentation du plan gouvernemental « 1 jeune, 1 solution », Saïd Hammouche revient sur les enjeux des discriminations dans l’emploi en France, notamment chez les jeunes talents issus de la diversité.

Afin de mettre fin à cette « hérésie sociale » et « aberration financière », il appelle l’ensemble des acteurs socio-économiques à s’investir dans une politique ambitieuse et structurelle pour l’égalité des chances, qui lierait inclusion et performances sociales et économiques de l’entreprise.

L’auteur : Saïd Hammouche, fondateur de Mozaïk RH

Saïd Hammouche est fondateur du cabinet Mozaïk RH, aujourd’hui leader du recrutement des diplômés de la diversité et devient lauréat Ashoka, réseau international d’entrepreneurs sociaux. Il lance fin 2015 la Fondation Mozaïk, destinée à changer la donne en matière d’inclusion économique de tous les talents, qu’il transforme en 2020 en Fondation actionnaire afin d’impulser un changement systémique pour que 100% des employeurs pratiquent un recrutement 100% inclusif.

« Notre combat doit se poursuivre et s’intensifier (…) pour lutter contre le fait que le nom, l’adresse, la couleur de peau réduisent encore trop souvent dans notre pays les chances que chacun doit avoir ». Le 14 juin dernier, lors de son allocution télévisée, Emmanuel Macron a placé la lutte contre les discriminations au cœur des deux années restantes de son quinquennat. Sur fond de crise économique, cet engagement prend au sein du plan de relance la forme d’une enveloppe de près de 7 milliards d’euros pour soutenir l’emploi des jeunes avec notamment la création, il y a quelques jours, d’une plateforme « 1 jeune, 1 solution » pour faciliter le contact entre les jeunes diplômés impactés par la crise et les entreprises. Il n’est néanmoins pas certain que ce plan s’attaque, spécifiquement, aux sources du « gâchis français » : les discriminations à l’emploi.

Dans la France d’aujourd’hui, la probabilité pour un candidat français blanc d’être invité à un entretien d’embauche est de 50 à 100% supérieure à celle de candidats français issus de minorités non blanches, à candidature équivalente[1]. Dans la France d’aujourd’hui, la plupart des recruteurs n’ont pas conscience de discriminer, privilégiant l’entre-soi, l’endogamie sociale, les « bonnes écoles ». Dans la France d’aujourd’hui, selon le 13ème baromètre du Défenseur des droits et de l’Organisation internationale du travail (OIT), « près de la moitié des personnes actives ayant déclaré avoir été victimes de discriminations ont connu des conséquences négatives sur leur emploi » : un licenciement, un blâme, une mutation forcée[2].

Face à ce constat, il est nécessaire de briser l’inertie en faveur d’un changement à grande échelle. Une action forte qui réponde à la fois à un constat d’urgence, à un impératif de résultat et à une exigence de solutions.  Une urgence d’abord. Un bref état des lieux en témoigne : en dépit de ses efforts, la France n’arrive pas à juguler le fléau des discriminations à l’emploi. Un impératif de résultat ensuite : la diversité est synonyme de prospérité. L’économie française et la cohésion sociale ont tout à gagner de la contribution des talents des territoires moins privilégiés, riches de compétences et de créativité. Une quête de moyens enfin. La dernière partie de cette note d’analyse portera sur les solutions qui sont portées, par la fondation Mozaïk comme par d’autres, afin de valoriser une culture de l’innovation sociale et la développer toujours plus pour promouvoir l’expression de tous les talents.

Etat des lieux 

 

Un niveau toujours alarmant. Le 13ème baromètre du Défenseur des droits sur les discriminations à l’emploi révèle une situation toujours préoccupante : si le chiffre est en baisse par rapport à 2013 (-7%), près d’un quart des personnes actives interrogées disent avoir vécu une discrimination dans leur emploi. Autre facteur d’inquiétude, 42% des personnes enquêtées indiquent « avoir été témoins de discrimination(s) ou de harcèlement discriminatoire au travail ». Soit 8 points de plus par rapport à 2012 ! Et sur ce total, près d’une personne enquêtée sur deux affirme avoir été témoins de discriminations liées à l’origine ethnique…

L’emploi est le premier motif de saisine du Défenseur des droits en 2019. Son rapport[3] est sans appel : « Lors de la recherche d’un emploi, les individus ayant un nom à consonance arabe doivent envoyer plus de trois CV pour décrocher un entretien, pour seulement deux pour un individu avec un nom à consonance hexagonale ». Le phénomène est systémique au sens où il concerne le secteur public comme le secteur privé : 35,5 % des saisines pour discrimination à raison de l’origine relèvent de l’emploi privé et 24,4 % de l’emploi public.

La « nouvelle économie » n’échappe pas au processus. Le dernier rapport[4] du Conseil national du numérique caractérise la start-up nation comme « un écosystème caractérisé par l’entre-soi, menant à plus d’éloignement entre les entreprises et les talents potentiels ». Résultat : malgré le dynamisme du secteur, l’attrait pour la recherche d’emploi dans le numérique est 30% plus faible dans les quartiers politique de la ville qu’ailleurs en France…

Les pénalités salariales constituent une autre face des discriminations à l’emploi. En France, les hommes et les femmes descendants d’immigrés d’Afrique perçoivent un salaire horaire inférieur d’environ 25 % par rapport aux hommes et aux femmes sans ascendance migratoire selon France Stratégie[5]. Cet écart est d’environ 7 % pour les descendant(e)s du Maghreb.

Enfin, et non des moindres, les chercheurs évoquent désormais une forme de « spatialisation des discriminations ethno-raciales ». Selon les dernières données de l’Observatoire national de la politique de la ville[6], en 2017 « le taux de chômage en quartier prioritaire est deux fois et demi supérieur à celui des autres quartiers des unités urbaines : 24,7 %, contre 9,2 % ». Et encore ne s’agit-il là que d’une moyenne reflétant mal l’ampleur du chômage dans certains territoires. A niveau de qualification égal, un jeune issu d’un quartier politique de la ville a moins de chance d’être en activité qu’un autre (79% contre 88% pour un niveau bac+5 ; 63% contre 78% pour un niveau bac).

Focus sur le rapport de France Stratégie 

En septembre 2016, plusieurs auteurs, Gilles Bon-Maury, Catherine Bruneau, Clément Dherbécourt, Adama Diallo, Jean Flamand, Christel Gilles, et Alain Trannoy publient un rapport à destination du ministère du travail afin d’expliciter le coût des discriminations pour les collectivités, en plus du dommage moral qu’elles représentent. Plusieurs méthodes sont utilisées par ses auteurs pour chiffrer ce coût. Vous pouvez retrouver le rapport et l’ensemble des détails ici.

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Le taux de chômage dans les quartiers prioritaires en 2017

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Le taux de chômage pour l'ensemble de la population en 2017

Un gâchis collectif. En levant pour la première fois le voile, en 2016, France Stratégie a donné toute la mesure du gâchis français dans son rapport inédit sur « le coût économique des discriminations ».  En négligeant ses talents, l’offre de travail qualifiée baisse, le coût du travail qualifié augmente et les travailleurs peu qualifiés sont moins bien rémunérés. De ces distorsions découlent une baisse de la production des biens de qualité supérieure et une hausse de la production des biens de qualité inférieure.

« Au modèle de la méritocratie se substitue celui du découragement, une porte ouverte sur toutes les dérives individuelles ».

A ce gâchis collectif s’ajoute un gâchis individuel : la discrimination empêche les individus à fort potentiel d’atteindre les postes les plus élevés qui se trouvent souvent occupés par des individus ne faisant pas partie de minorités discriminées. Au modèle de la méritocratie se substitue celui du découragement, une porte ouverte sur toutes les dérives individuelles. Alors même que la République a fait le choix de préparer son avenir en investissant, par l’éducation et la formation, sur les jeunes : pour quels retours ? Au global, et dans un scénario médian, le coût des discriminations s’élèverait à 150 milliards d’euros chaque année selon le même rapport de France Stratégie, soit 7% du Produit Intérieur Brut.

C'est le coût annuel des discriminations en France selon France Stratégie

« Name and shame », « testings » : les limites de la lutte contre les discriminations. Rappelons-le : les discriminations constituent un délit. Mais la saisine des tribunaux est inopérante à grande échelle : le taux de non-recours atteint 93 % en cas de discrimination à l’embauche[7] ! Méconnaissance, lourdeurs des démarches, etc. : la banalisation est la règle, la saisine l’exception.

Autre volet, les campagnes de testings. Utilisées au milieu des années 2000 par la HALDE, elles ont été reprises par le gouvernement actuel en les complétant par le « le name and shame ». Ou « nommer » et « dénoncer » les entreprises prises en défaut. En février dernier, sept d’entre elles (Renault, Air France, Accor, Altran, Arkéma, Rexel et Sopra Steria) ont ainsi été épinglées, même si la plupart ont rejeté les résultats et la méthodologie retenue. Mais sans mesure corrective, et une fois l’émotion médiatique passée, « le name and shame » équivaut à un coup d’épée dans l’eau.

Troisième grand volet de la lutte contre les discriminations, la mise en place d’outils censés encourager « les bonnes pratiques » au sein des entreprises. C’est le cas de la « Charte de la diversité » initiée en 2010 : dix ans plus tard, 3884 organisations l’ont signée. Pour une efficacité limitée : le bilan 2019[8] mentionne un « constat en demi-teinte » concernant le recrutement en QPV, l’attention portée au lieu de résidence n’étant « pas très marquée dans les démarches des signataires ». Créée en 2008 par l’Etat, le « Label de la diversité » vise à reconnaître « l’engagement effectif, volontaire et durable » d’un organisme pour prévenir les discriminations. Douze ans plus tard, seul un million d’actifs sont couverts par ce label…

Une politique publique de l’emploi mal calibrée. Les pouvoirs publics ne sont pas assez finement outillés pour répondre aux demandes spécifiques d’une population particulière : les jeunes diplômés issus des quartiers politiques de la ville. De toute évidence, les demandeurs d’emploi stigmatisés ne savent pas comment accéder aux canaux informels de recrutement.

Quant aux recruteurs, ils ignorent l’existence même de candidats pourtant très qualifiés. Entendons-nous bien : le service public de l’emploi a son utilité, notamment quand il s’agit de détecter et accompagner les populations les plus éloignées du marché du travail. Mais son approche globale ne permet pas le travail d’intermédiation nécessaire dans le cas spécifique des diplômés discriminés. Si les incitations financières, prévues par exemple avec le dispositif « emplois francs », sont nécessaires, elles ne suffisent pas, même quand elles sont fléchées en direction des territoires moins privilégiés. Au final, la politique publique de l’emploi peine à faire un pont entre candidats et recruteurs.

Recrutement inclusif et performances

La diversité, accélérateur de performances pour l’entreprise. Une organisation capable de mettre en cohérence son discours externe et sa politique interne en tire forcément profit. Le recrutement inclusif fidélise des collaborateurs. Les salariés en interne afficheront aussi davantage de motivation, de fierté et donc un plus fort sentiment d’appartenance. Une étude interne[9] réalisée par Sodexo auprès de 50 000 managers dans 80 pays a montré que 23 % des équipes mixtes avaient davantage fait progresser leur marge brute et 13 % leur croissance interne sur les trois dernières années. Pour rester agiles et innovantes, les organisations ont besoin de mixer les profils, les modes de pensée et les parcours de vie : l’uniformité rétrécit là où la diversité élargit les horizons. 

De plus, Grâce aux données récoltées à travers 12 pays auprès de 1000 entreprises, une étude[10] du cabinet de conseil McKinsey indique que la diversité ethnique et culturelle au sein des « executive teams » influence favorablement (33 % de mieux !) les performances financières des entreprises. Les organisations qui s’ouvrent aujourd’hui sont celles qui préparent leur croissance de demain.

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Les comité exécutifs présentant une forte diversité culturelle et ethnique en leur sein affichent des performances financières 33% plus élevées par rapport aux équipes exécutives peu diversifiées

Dans un contexte concurrentiel très fort, recruter des salariés représentatifs de la diversité de ses clients permet donc de mieux comprendre les clients, d’accroître ainsi leur satisfaction. La performance des structures économiques s’en retrouve améliorée. Ce message commence à être entendu dans le monde économique. Les entreprises sortent du déni. S’il y a évolution mais pas révolution, elles sont de plus en plus nombreuses à s’engager pour un recrutement plus inclusif et développent le partage de bonnes pratiques pour valoriser la diversité dans leurs méthodes de recrutement. La fondation Mozaïk s’engage à ce titre avec ces entreprises comme JP Morgan, PwC France ou Accenture France, afin de faire des entreprises les premiers acteurs de la diversité.

La diversité, accélérateur de performances pour l’économie. Une réduction des écarts de taux d’emploi et de salaire entre les populations discriminées en raison de leur genre ou de leur origine culturelle et les autres permettrait au PIB de faire un bond de 7%, (soit 150 milliards d’euros) pouvant aller même jusqu’à…14% dans un scénario optimal d’égalité des chances[11].

Le recrutement inclusif remet ainsi le pays dans un cercle vertueux de croissance : rentrées fiscales supplémentaires réduction des dépenses publiques liées au financement du chômage. France Stratégie évoque ainsi un gain de 2 % sur les recettes publiques, et une réduction de 0,5 % des dépenses. Le gain pour l’Etat ne se mesure pas seulement à l’aune de sa comptabilité. Mais aussi en termes d’efficacité de ses services publics : « Si elle refuse de se donner la peine d’être plus représentative, comment s’étonner que les citoyens se détournent d’une administration dans laquelle ils ne se reconnaissent pas ? », interrogeaient récemment les membres de la Cordée[12], une association qui plaide pour une fonction publique à l’image d’une société qu’elle est censée servir. L’immobilisme mine particulièrement la haute administration d’Etat. L’entre-soi et la cooptation alimentent la déconnection des élites administratives. Ou « La France des réseaux » contre « la France des égaux ».

Enfin, la crise liée à l’épidémie de Covid-19 ne doit pas masquer l’invraisemblance d’une économie pénalisée par des emplois non pourvus alors que les talents existent. En 2017, près de 330 000 abandons de recrutements étaient ainsi imputés à une pénurie de candidats[13]. Ramené au taux de chômage des diplômés Bac+2 presque trois fois supérieur à moyenne nationale dans les quartiers politique de la ville, ce chiffre témoigne d’un paradoxe dommageable pour l’économie du pays.

La diversité, accélérateur de cohésion républicaine. La promotion de la diversité est aussi, et surtout, un puissant levier de cohésion sociale dans une France figée dans une pose béate où, en théorie, ses citoyens ont tous accès aux mêmes droits.

« Sans reconnaissance de la diversité, le péril pour la République est celui d’une dissolution de son idéal » : dressé en 2012, le constat[14] est le même aujourd’hui. « Les résignés » entrent dans une logique d’autocensure et intègrent eux-mêmes le sentiment d’être des citoyens de seconde zone. C’est l’exil intérieur… D’autres tentent leur chance à l’étranger : « les expatriés ». Phénomène récent et encore difficile mesurable, les départs vers les pays du Golfe persique s’accélèrent. New York ou Dubaï : la République perd de sa sève avec la « fuite des cerveaux ».

« Sans reconnaissance de la diversité, le péril pour la République est celui d’une dissolution de son idéal »

L’exclusion à raison de l’origine sociale, culturelle ou géographique peut aussi conduire à des stratégies de rupture. Excédés par les discriminations qu’ils ont vécues, « les révoltés » s’inscrivent dans une logique de victimisation. Alors, ils rejettent la communauté nationale et parfois basculent dans la violence. Les scènes d’émeutes urbaines émaillant régulièrement les villes françaises doivent être considérées pour ce qu’elles sont : les manifestations d’un malaise que la seule réponse sécuritaire, nécessaire, ne suffit pas à juguler. Quant aux « dégoûtés », lassés par l’injustice sociale, ils peuvent entrer dans une logique de revanche et pratiquer une discrimination positive proche du communautarisme.

La promotion de la diversité est enfin un agrégateur territorial. L’impact d’une réussite pour un jeune issu d’un quartier politique de la ville est d’autant plus fort que la base d’élite locale est étroite. En restaurant un rapport de confiance des individus discriminés, une vraie politique d’égalité de traitement solidifie l’engagement des territoires et des citoyens dans la société et ses institutions.

Solutions pour un recrutement inclusif

Pour rétablir un cercle vertueux il faut amplifier les solutions pour faire du recrutement inclusif le levier d’un changement systémique. Une mise à l’échelle d’innovations qui fonctionnent réellement afin de rendre le recrutement plus inclusif et l’accès à l’emploi égal à toutes et tous.

Evaluer

Le terme de « statistiques ethniques » charrie des polémiques souvent stériles là où nous avons, d’abord, besoin de confiance. Néanmoins, la notion d’évaluation mérite d’être défendue : pourquoi les discriminations liées à l’origine ethnique ou territoriale ne pourraient-elles être mesurées quand d’autres liées au sexe ou à l’âge le seraient ? Certes, le thermomètre ne fait pas tomber la fièvre. Mais il permet de la connaitre et, le cas échéant, de bénéficier d’un traitement. Cela devrait être un objectif commun prioritaire : cerner les discriminations afin de mesurer l’impact des politiques menées quand elles existent au sein d’une entreprise, les propositions sources de progrès et éventuellement les freins ou poches de résistance.

Il faut donc inciter les entreprises à mener des diagnostics précis sur la place que tient la diversité. Et il convient d’insister : à TOUS les échelons de leur organisation, sommet compris. Sur la base du déclaratif, de manière ponctuelle mais régulière.

Corriger

La politique des « quotas ethniques » n’a pas les faveurs de la fondation Mozaïk. Si nous avons une culture, c’est celle des moyens. Pour déjouer les biais inconscients, nous préférons axer notre effort sur la formation. Certes, la loi « Egalité et citoyenneté » du 27 janvier 2017 oblige l’ensemble de la chaine du recrutement à suivre une formation à la non-discrimination à l’embauche. Mais outre que cette obligation ne concerne que l’embauche et non le personnel en poste, elle n’est assortie d’aucun accompagnement des entreprises pour les aider à identifier les bons prestataires.

En plus de déjouer les biais discriminatoires, la formation doit étendre son champ aux outils permettant d’objectiver le recrutement et la gestion du personnel en poste : rédaction claire du profil de poste, grille d’évaluation centrée sur les compétences pour dépasser « la culture du CV », protocole d’entretien homogène etc.

Il faut croire à la force de l’éducation contre les préjugés, tout autant qu’à la portée significative de la digitalisation des méthodes de recrutement pour combattre les mauvais réflexes. Pour aller dans ce sens, la Fondation Mozaïk a par exemple lancé en 2018 la plateforme DiversifiezVosTalents.com pour mettre en relation recruteurs et candidats de tous niveaux par l’analyse des soft-skills. Les biais inconscients des recruteurs sont ainsi déjoués tout comme l’autocensure des candidats. Et la valorisation des compétences réellement prise en compte.

Inciter

Comment embarquer « le middle-management » dans une politique ambitieuse de promotion de la diversité ? L’incitation est indispensable. Il est possible de citer plusieurs initiatives dont l’impact pourrait être généralisé, comme celle du comité Egalité et Diversité de Radio France[15].

Concrètement, une partie de la rémunération du top management est indexée aux efforts fournis et aux résultats en matière d’inclusion. Une stratégie volontariste en faveur de la promotion des talents est ainsi mise au même niveau que l’audience ou le respect des contraintes budgétaires. Nous devons croire à la valeur de l’exemple et plaider pour l’essaimage des méthodes de recrutement inclusif à tous les opérateurs de l’emploi, notamment locaux, à travers des programmes de transferts de compétences. Ce qui fonctionne à Paris ou en Ile de France mérite d’être dupliqué à Lyon, Lille, Nantes etc et inversement.

Amplifier

Car l’enjeu est bien d’aller vers un changement systémique. Cette ambition passe par la mise en place de politiques adaptées et à la hauteur des enjeux.

Concernant les entreprises, la promotion de la diversité doit être considérée comme un axe stratégique de leur développement. Certains grands groupes s’efforcent bien d’être vertueux en interne pour des raisons d’affichage mais adoptent, dans le même temps, un comportement léonin vis-à-vis de leurs sous-traitants. Adopté en 2019 dans le cadre la loi Pacte, le statut d’« entreprise ou société à mission » permet aux entreprises de souscrire à des objectifs environnementaux ou sociaux contraignants et de les faire évaluer par un tiers indépendant : c’est un levier possible en faveur de l’égalité des chances. Certaines ont pris les devants comme Danone ou le groupe Rocher.

Plaidoyer pour une mesure de l’impact social

L’évaluation d’impact rigoureuse est ainsi une nouvelle fois au cœur des enjeux de notre temps, et particulièrement sur les sujets de l’emploi. Dès 2009, la Fondation Mozaïk a sollicité des experts externes pour évaluer son impact par la méthode SROI (« Retour social sur Investissement »). Cette approche a permis, notamment, de calculer le coût évité pour la société chaque fois qu’un candidat issu des territoires moins privilégiés était placé dans une entreprise grâce à Mozaïk. Résultat : 10 800€ de gain par placement ! Soit plus de 86 millions d’euros d’économies pour la collectivité[16]. Si ces chiffres sont précieux pour témoigner d’un impact positif, nous devons néanmoins faire preuve de recul et nous engager dans un renforcement et dans l’évolution du cadre de l’évaluation. En effet, comme pour tout acteur de l’inclusion dans l’emploi, nous ne pouvons nous satisfaire de l’absence d’une direction précise sur des indicateurs d’impacts permettant de suivre réellement dans la durée l’inclusion des personnes accompagnées.

De cette approche est née une conviction profonde : pour permettre un réel changement systémique sur le sujet de l’inclusion économique dans les territoires moins privilégiés, l’ensemble de l’écosystème doit partager un référentiel d’indicateurs/critères d’évaluation commun. Que mesurer dans une entreprise ? Comment ? A partir de quels critères ? Avancer ensemble vers un modèle plus inclusif nécessite de se comprendre et de parler un même langage.

Plus que jamais nous avons besoin d’une réflexion critique structurée et d’une dynamique collective pour définir, après concertation avec l’écosystème, un référentiel harmonisé et commun n’ayant qu’un objectif : mesurer les impacts réels des organisations inclusives sur la société. Ce référentiel commun servirait ainsi de levier favorisant l’émulation et l’innovation sociale au service d’un changement à grande échelle en faveur de l’égalité des chances et de la performance sociale de notre économie.

Conclusion

La compassion a montré ses limites. Dans un monde dominé par l’économie, il est temps de marteler une vérité arithmétique : la discrimination est une aberration financière au même titre qu’une hérésie sociale. Les coûts induits par les inégalités de traitement sont si importants qu’ils finiront par être le fossoyeur de notre performance économique tout autant que de notre cohésion sociale. On peut se résigner à ce choix : celui d’une économie en déclin, d’une assignation sociale jouée à la naissance et d’une dilution de l’idéal républicain.

A l’heure où la crise interroge les fondements de notre modèle, il est urgent de considérer la promotion de la diversité comme un puissant accélérateur pour une croissance plus forte, plus juste, plus durable. Elle n’est ni « une charge » ni « une contrainte » ni même « un petit supplément d’âme ». Mais une réponse immédiate et effective aux défis d’aujourd’hui et de demain.  Si je me félicite de l’engagement et de l’action menée par Mozaik RH et la Fondation Mozaik depuis de nombreuses années sur ce sujet, il m’apparait évident que cette réponse ne peut être individuelle : décideurs économiques et politiques doivent avoir plus d’audace et s’impliquer davantage en faveur de l’inclusion. Et à se mettre à la hauteur de le la clairvoyance de Jean Monnet, un des pères fondateurs de l’Europe : « du jour où je me suis occupé des affaires publiques, j’ai compris que l’égalité était absolument essentielle dans les rapports entre les peuples comme entre les hommes. Il n’y a pas de paix durable lorsqu’elle est fondée sur la discrimination ».

[1] Stéphane Carcillo, Marie-Anne Valfort, Lutter contre les discriminations sur le marché du travail, Conseil d’analyse économique (CAE), page.3, juin 2020

[2] 13ème baromètre de la perception des discriminations dans l’emploi. Décembre 2020.

[3] « Discriminations et origines : l’urgence d’agir ». Juin 2020.

[4] « Faire du numérique un accélérateur de diversité ». Septembre 2020.

[5] « Le coût économique des discriminations ». France Stratégie. Septembre 2016.

[6] « Emploi et développement économique dans les quartiers prioritaires ». Observatoire national de la ville. Rapport 2018.

[7] « Lutter contre les discriminations sur le marché du travail ». CAE. Juin 2020.

[8] « Signer et agir ». Bilan diversité 2019, 8ème édition. Juin 2019.

[9] Le Monde. Octobre 2015.

[10] « Delivering through diversity ». 2018.

[11] Rapport France Stratégie, op cit.

[12] « Diversité : la fonction publique doit sortir de son immobilisme ». Les Echos. Octobre 2019.

[13] Pôle emploi, Eclairages et Synthèses n°40 Evaluation de la démarche de prospection des entreprises – Anissa BOULEMIA, Tom GOLDMAN – Décembre 2017, p 8.

[14] « Chronique de la discrimination ordinaire », Vincent Edin et Saïd Hammouche. Gallimard. 2012.

[15] Interview pour la fondation Mozaïk, juin 2020.

[16] Etude McKinsey 2012 puis mise à jour par Accenture en 2016.

Les avis exprimés dans les notes d’analyses n’engagent que leurs auteurs et ne sauraient être considérés comme constituant une prise de position officielle de l’IMPACT TANK.

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L’auteure : Agnès Audier, présidente de l’IMPACT TANK

Agnès est dirigeante d’entreprise, experte à la fois des enjeux technologiques et sociaux, avec un parcours marqué par une connaissance des grands groupes privés, une expertise approfondie du secteur public ainsi qu’un engagement depuis 30 ans sur les sujets d’innovation sociale. Elle est ingénieure en chef du Corps des Mines, normalienne et diplômée de Sciences Po. Vous pouvez retrouver sa biographie ici.

Le Premier Ministre, Jean Castex, a annoncé il y a quelques jours de nouvelles mesures en faveur de la lutte contre la pauvreté, qui s’ajoutent à celles du plan de relance, pour faire face à une situation sociale très difficile, alors qu’est anticipée une augmentation importante de la précarité due à la crise économique. Le nouveau plan comporte des mesures dans les domaines des prestations sociales, de l’accès au logement et de la lutte contre les impayés de loyers, de l’aide à la mobilité, et de l’accès à l’activité et l’emploi (notamment l’IAE).

Bien sûr, il y a débat sur l’ampleur de l’effort, et notamment sur un sujet qui date de la création du RMI sous Michel Rocard : celui de l’accès des jeunes de 18 à 25 ans au RSA et, plus généralement, celui de la revalorisation des minimas sociaux. Mais on ne peut que souhaiter une mise en application rapide des mesures d’urgence décidées. Gageons par ailleurs que l’urgence sociale soit un bon catalyseur d’énergies et de coopérations et interrogeons-nous sur le chemin devant nous.

Le déblocage de nouveaux financements d’urgence à destination des acteurs de l’action sociale pose une nouvelle fois la question des moyens mis à disposition pour développer rapidement des projets ayant démontré leur efficacité au bénéfice des personnes les plus vulnérables.

Les besoins dans le champ social sont immenses, dans le domaine de l’enfance, de l’aide alimentaire, de l’accompagnent du handicap, de la vieillesse, des migrants ou encore du décrochage scolaire. Les réponses et solutions sur le terrain sont foisonnantes, souvent pertinentes, mais trop rarement croisées, mesurées, évaluées. Les approches économiques qui permettraient de démontrer la pertinence des investissements dans l’action sociale, avec notamment l’intégration des coûts évités, sont encore des exceptions.

La réalité est que nous n’avons pas encore assez de « mode d’emploi » de projets évalués pour faciliter la démultiplication de ce qui marche et pour qualifier les coopérations indispensables (entre collectivités locales, services de l’Etat, acteurs de l’ESS et du social ou médico-social). Enfin, nous manquons de données et d’études d’impact probantes pour savoir ce qu’il convient le mieux de passer à l’échelle dans ce secteur au plus près des besoins sociaux des plus vulnérables.

C’est donc sur cette question des données dans le domaine social, qui permettent de mesurer l’impact, que je voudrais ici revenir. Comment dès lors évaluer le besoin du secteur ? Comment savoir quel est le dispositif de prévention qui fonctionne le mieux ? Est-ce que le taux de sortie positive d’un chantier d’insertion ou d’un centre d’hébergement est un indicateur de suivi suffisant ? Comment connaître en amont les signaux faibles permettant de prévenir une situation de surendettement ? Comment avoir une vision sur plusieurs années, et pas simplement à horizon d’un an – ce qui est déjà très complexe ?

Les données, un bien très précieux pour les acteurs du secteur

Mesurer l’impact suppose d’identifier, collecter, analyser les données. Ces dernières sont théoriquement présentes dans tous les secteurs, et sont exploitables pour toutes les innovations locales qui mériteraient d’être développées à grande échelle, pour peu que l’on se donne les moyens. Plusieurs enjeux clés méritent ainsi un travail approfondi :

  • La recherche des conditions du passage à l’échelle, en comprenant, grâce aux données, les conditions de succès d’une initiative. Par exemple, combien d’heures de formations et de coaching sont nécessaires pour permettre à un jeune en difficulté de reprendre le chemin de l’emploi ?
  • Le ciblage des publics : comprendre grâce aux données pour quel public un dispositif est le plus efficace. Par exemple, quelles personnes âgées sont le plus en risque de dénutrition ou quel dispositif d’hébergement et d’accompagnement vers le logement est le plus efficace pour une famille nombreuse.
  • L’investissement dans la prévention : grâce aux données, il est par exemple possible d’actualiser les coûts évités par des politiques de prévention de la récidive.
  • Les approches « parcours » : grâce aux données, on peut par exemple suivre un décrocheur scolaire avant et après son « accident scolaire », donc apprendre et prévenir le décrochage, mais aussi comparer des voies de raccrochage par leurs effets 10 ans après le décrochage.
  • Les approches sur des périodes longues : grâce aux données il est possible de savoir non seulement si une entreprise d’insertion permet un accès à un emploi « normal », mais aussi un rétablissement et une inclusion durables, avec des salaires et de conditions de vie « normales » dans la durée.
  • La recherche des dysfonctionnements et des anomalies : grâce aux données, si elles sont disponibles en temps réel, il est possible de repérer des anomalies ou valoriser des efforts : repérer un établissement qui a des taux d’hospitalisation inhabituels, ou un absentéisme hors normes, assurer le suivi des efforts d’organisations pour mieux intégrer les jeunes issus de minorités dans l’emploi ou lutter contre illettrisme.

Ainsi, les données permettent à la fois d’évaluer et comparer les dispositifs, mais également d’en améliorer la qualité. Elles favorisent des logiques de parcours individualisés et renforcent la dynamique de prévention inhérente à l’action sociale et médico-sociale. Cette approche n’est en aucun cas contradictoire avec une optimisation de la dépense publique.

 « La collecte de données et la comparaison de différentes innovations sociales peuvent améliorer la qualité de l’action sociale »

Par exemple, identifier en amont quel dispositif de prévention des chutes serait le plus efficace pour Madame X, résidente de 89 ans en EHPAD, en fonction de ses antécédents médicaux, apporterait une information inestimable pour le bien-être de Madame X, de son encadrant, mais également pour les finances publiques. Rappelons en effet qu’en France, les différentes estimations disponibles indiquent un taux de chute de 1,5 à 1,7 par an en maison de retraite, et un coût total d’environ 1,5 milliard d’euros par an pour la sécurité sociale, pour environ 500 000 résidents en maison de retraite. Le coût moyen pour la collectivité d’une chute est ainsi compris entre 2 000 et 3 400 euros selon un rapport de la Haute Autorité de la Santé[1].

Pour répondre à cette problématique, la collecte de données et la comparaison de différentes innovations sociales peuvent améliorer la qualité de l’action sociale. La généralisation d’une initiative comme Siel Bleu, qui développe la pratique physique adaptée auprès des résidents d’EHPADS, permettrait, d’après une évaluation menée par l’Institut des Politiques publiques d’économiser au minimum 400 millions d’euros par an à la collectivité[2]. Une estimation qui n’aurait pu avoir lieu sans collecte de données ni analyse des éléments rassemblés.

Le coût moyen d'une chute pour la collectivité selon la Haute Autorité de Santé

C’est le bénéfice net en millions d'euros pour la collectivité si les programmes de Siel Bleu étaient généralisés en EHPAD

Pourtant, malgré l’intérêt évident d’investir financièrement et intellectuellement dans la collecte et l’analyse de données, force est de constater que l’usage de la donnée à des fins de mesure d’impact (et pas seulement de suivi d’activité) est encore trop peu répandu. Alors que le secteur de la santé a adopté depuis quelques dizaines d’années des systèmes d’informations et de remontée de données performants, tout en modifiant ses pratiques vers une individualisation du parcours de soin, le secteur social est encore au début de cette réflexion et ne possède donc pas un grand nombre de données exploitables pour répondre à ces questions.

Comment expliquer que le secteur social soit si prudent en matière de collecte des données ?

De nos échanges avec les acteurs ressortent cinq types d’enjeux qui peuvent expliquer pourquoi le secteur social est aujourd’hui en retard sur la collecte et l’analyse des données :

  • Manque de moyens pour se former et se doter des outils nécessaires pour collecter et analyser des données.
  • Manque de confiance dans les systèmes d’information pour garantir la confidentialité des données et la qualité des analyses : peur d’analyses trop sommaires ou biaisées, crainte que les analyses soient tournées vers des indicateurs de gestion voire de « surveillance » managériale, et non vers la qualité des prises en charge.
  • Crainte de résultats absolus moyens, entraînant des pressions de l’opinion publique et des financeurs (éventuellement, alors même que les résultats relatifs sont très bons).
  • Crainte de nombreux professionnels de terrain de la surcharge de travail liée à la collecte des données.
  • Multiplicité des interlocuteurs et difficulté à trouver un consensus institutionnel sur ce qu’il faut mesurer.

De fait, si toutes ces raisons se comprennent, il demeure néanmoins important d’engager rapidement  les acteurs de l’innovation sociale à initier un débat et une réflexion critique sur ces sujets.

L’enjeu est important : il s’agit d’améliorer la qualité des dispositifs d’accompagnement des plus fragiles tout en garantissant une bonne utilisation de l’argent public. Ce d’autant que le Plan de relance de 100 milliards d’euros pourrait être l’occasion de moderniser de façon majeure les systèmes d’information si des projets cohérents et ambitieux voyaient le jour.

Pour dépasser les craintes légitimes, il nous semble que les chercheurs peuvent beaucoup aider.

Les chercheurs, des acteurs clés pour réconcilier le secteur social avec les données ?

Les données dans le secteur social, leur identification, leur analyse et leur comparaison nécessitent une éthique et une rigueur particulière. Pour qu’elles soient garanties, le monde scientifique et les des acteurs de terrain engagés quotidiennement dans le travail social doivent s’associer de manière structurelle. Les travaux communs doivent permettre de croiser expériences de terrain et expertises universitaires pour amorcer un langage commun et faire de la comparaison des impacts une méthode sereine et opérationnelle, au service de ce qui fonctionne le mieux.

« Le développement des travaux de recherche passe par la création d’un espace nouveau de collaborations »

Bien sûr les chercheurs ont leurs propres biais, leurs propres convictions, et les débats médicaux récents sur les prises en charge COVID ont appris à ceux qui l’ignoraient que le monde de la recherche n’est ni lisse, ni uniforme. C’est pour cette raison qu’il est important de mobiliser une vraie diversité d’équipes de recherche, comme d’ailleurs d’acteurs de terrains.

Par ailleurs, si le social doit s’ouvrir à la recherche, les chercheurs doivent aussi interroger leurs pratiques et leur connexion avec les terrains de l’innovation sociale. Face à l’importance des problématiques sociales prises en charge par les opérateurs de terrain, la recherche et développement en innovation sociale doit impérativement être démultipliée, mais également appropriable et applicable par les acteurs de terrain.

Les sciences humaines et sociales deviennent ainsi opérationnelles, ancrées à la fois dans l’apport de nouvelles connaissances, et de recommandations pratiques, visant l’amélioration de la qualité des dispositifs d’accompagnement des publics et territoires fragiles. Le développement de cette recherche passe ainsi par la création d’un espace nouveau de collaborations et dans une ouverture beaucoup plus grande des terrains d’études et d’expérimentation du secteur social à destination du monde universitaire mais également des entreprises.

Les entreprises, des acteurs engagés ayant un temps d’avance en gestion des données

Les chercheurs ne sont pas les seuls à pouvoir apporter beaucoup au monde du social, notamment en matière de gestion des données : les entreprises ont un rôle majeur à jouer sur quatre plans au moins.

En premier lieu, elles sont souvent à l’origine de nombreuses innovations, qu’elles soient actives ou pas dans des champs proches du social et médico-social : dans leurs activités bancaires, assurantielles, de construction, de formation, etc. Elles le sont également dans leurs pratiques RH, pour accompagner des collaborateurs fragiles, prévenir des situations de burn out ou s’engager contre les discriminations à l’emploi. Ensuite parce qu’elles peuvent absorber dans leurs pratiques et leurs activités ces innovations sociales, de façon symétrique. Si le secteur social parvient à démultiplier et mieux faire valoir sa capacité d’innovation pour améliorer l’accompagnement des publics et territoires fragiles, les méthodes ainsi cadrées pourront servir à développer des approches RH efficientes et durables. C’est en ce sens que les entreprises peuvent soutenir les démarches innovantes de R&D et d’évaluation, dans un secteur social historiquement peu fortuné.

« Les entreprises ont un rôle majeur à jouer, notamment an matière de gestion des données »

Enfin, les entreprises peuvent apporter beaucoup de savoir dans la transformation par la donnée : la plupart des entreprises travaillent aujourd’hui à collecter, croiser, analyser les données, les « faire parler », au service du pilotage quotidien comme de la stratégie de long terme, dans les domaines du marketing, de la distribution, ou encore de la production. Les entreprises ont donc à la fois des données et des savoir-faire qui peuvent beaucoup aider le secteur social dans sa dynamique d’innovation et de transformation digitale.

 L’Impact Tank : l’ambition de bouger les lignes dans le rapport aux données et à l’impact des innovations sociales

L’Impact Tank a été créé avec une ambition : favoriser la mise à l’échelle des innovations sociales qui fonctionnent, au bénéfice des personnes vulnérables et des territoires fragiles. Pour cela, nous adoptons une nouvelle approche fédératrice, basée sur la mesure et l’évaluation.

« L’innovation sociale est un gage précieux, car performant et démocratique, de la participation citoyenne dans l’action publique locale et de l’engagement solidaire des salariés dans les entreprises »

Rappelons qu’à la différence de l’innovation technologique protégée et brevetée, l’innovation sociale a l’avantage d’être libre de droit. Elle ne demande ainsi qu’à être reproduite ou dupliquée largement, dans une logique de maximisation d’impact. Pour nous, cette démultiplication doit idéalement s’opérer à la hauteur des besoins de notre pays, de ses difficultés sociales.

L’innovation sociale est un gage précieux, car performant et démocratique, de la participation citoyenne dans l’action publique locale, mais aussi de l’engagement solidaire des salariés dans les entreprises.

Plus encore, dans la période de crise sanitaire que nous traversons, l’innovation sociale apparaît comme un projet politique cohérent, car relevant directement du sens commun et de la praxis collective inédite dont l’ensemble de la population est témoin avec le confinement et maintenant le re-confinement : l’expérience de la vulnérabilité, l’impératif de solidarité.

[1] Haute Autorité de la Santé (2009). Évaluation et prise en charge des personnes âgées faisant des chutes répétées.

[2] Claudia Senik, Carine Milcent et Chloé Gerves, Évaluation d’un programme d’activité physique adapté à des personnes âgées, Rapport n°6, Institut d’évaluation des Politiques Publiques n°16, Janvier 2015, p 44.

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